Le Maroc renoue avec l’huile d’olive, un pari incertain

Le Maroc veut relancer sa production d’huile d’olive tombée en désuétude, un pari incertain alors que ses habitants n’en consomment presque plus et que la concurrence est rude à l’exportation.

Le Maroc renoue avec l’huile d’olive, un pari incertain © AFP

Le Maroc renoue avec l’huile d’olive, un pari incertain © AFP

Publié le 29 mai 2015 Lecture : 3 minutes.

Dans les cuisines marocaines, les tajines ne mijotent plus à l’huile d’olive depuis longtemps. Majoritaire jusqu’au milieu du XXe siècle, elle a été progressivement remplacée par de l’huile de soja importée.

Après de mauvaises récoltes liées à la sécheresse, « les exportateurs américains de graines de soja en ont profité pour commercialiser leurs huiles », bien moins chères, explique Abdelali Zaz, reponsable de la filière olive chez Lesieur Cristal, filiale marocaine du groupe français Avril.

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Résultat: aujourd’hui, 90% de l’huile de table consommée au Maroc est à base de soja.

Pour relancer le secteur, le gouvernement a fait planter massivement des oliviers, en particulier dans la région de l’Atlas et dans celle du Rif. Des champs de jeunes arbres sagement alignés entourent Marrakech, irrigués par des barrages.

– Trop chère –

L’objectif est de doubler la production, pour atteindre 200. 000 tonnes en 2020, dans le cadre du vaste plan de relance de l’agriculture, le Plan Maroc Vert. L’Espagne, 1er producteur mondial, en fabrique en moyenne 1,5 million de tonnes par an.

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L’Etat a aussi chargé le groupe français Avril d’améliorer la productivité de la filière.

Pour relancer la consommation intérieure, Lesieur Cristal a mis sur le marché une huile spécialement adaptée au goût local. « Les Marocains n’aiment pas les huiles européennes, extra-vierges. Ils préfèrent des huiles plus fortes, épicées », explique Samir Oudghiri Idrissi, directeur général de la société.

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La consommation a recommencé à augmenter ces cinq dernières années, mais l’huile d’olive aura du mal à faire de nouveau partie de la cuisine de tous les jours, estime Najib Akesbi, professeur à l’Institut agronomique et vétérinaire à Rabat.

« Même si la production augmente, elle restera 2 à 2,5 fois plus chère que l’huile de soja. C’est trop cher pour la grande majorité de la population », souligne l’universitaire.

Le royaume table donc sur l’export. 2014 a été une année faste, avec 40. 000 tonnes vendues à l’étranger, contre 15. 000 tonnes en 2012. Le Maroc a profité de l’effondrement des récoltes autour de la Méditerranée, notamment en Espagne, où la moitié de la production s’est évaporée sous l’effet de la sécheresse.

La bactérie Xyllela fastidiosa, qui décime les oliviers italiens, ne touche pas le Maroc pour l’instant, mais le pays a suspendu l’importation de plants de végétaux d’Italie, comme la France.

– Poids plume à l’international –

Mais en dehors des périodes où les grands producteurs flanchent, le Maroc reste un poids plume sur le marché mondial.

« Le premier problème est de faire de l’huile d’olive exportable, de qualité extra-vierge », souligne M. Oudghiri Idrissi, qui espère voir son pays y arriver grâce à « une dizaine de belles fermes » où les olives sont récoltées au bon moment, et non après avoir plus ou moins pourri dans les champs.

Son entreprise s’est équipée d’un laboratoire de dégustation, où des testeurs formés dans le sud de la France veillent au profil organoleptique de l’huile.

Le Maroc fait aussi la promotion de ses quelques huiles AOP (appellation d’origine protégée), notamment lors du Salon de l’Agriculture à Paris.

Mais le pays est loin d’être compétitif par rapport à l’Espagne, « qui subventionne son huile et atteint ainsi des prix de revient plus bas », regrette M. Oudghiri Idrissi.

D’autant que « le monde entier est en train de se mettre à faire de l’huile d’olive, jusqu’en Chine (. . . ) Et l’Italie et l’Espagne sont bien plus forts que nous pour vendre », ajoute Najib Akesbi.

Pour les deux hommes, la production marocaine risque donc d’avoir beaucoup de mal à trouver des débouchés, malgré des efforts pour pénétrer le marché américain, grand importateur.

Le Maroc risque même de se retrouver dans une « impasse », s’inquiète M. Akesbi, qui dénonce l’orientation « productiviste » du gouvernement.

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