Fifa: le scandale qui éclabousse la Fifa pose la question du contrôle financier
Des millions de dollars versés sous le manteau, sans que personne ne tire la sonnette d’alarme: le scandale de corruption qui éclabousse la Fifa pose la question du contrôle financier du géant du football, qui brasse des sommes colossales dans une relative opacité.
Comment des paiements d’une telle ampleur ont pu être effectués sans être remarqués ? Y a-t-il eu des failles dans le suivi des comptes de la Fédération internationale, pourtant audités par un cabinet réputé ? Peut-on parler de complaisances, voire de complicités ?
« Le scandale de la Fifa montre clairement qu’il y a eu des faiblesses dans le contrôle de la Fédération internationale », estime Prem Sikka, professeur à l’Essex University Business School. « Si les audits ne permettent pas de repérer des millions d’euros égarés, à quoi servent-ils ? »
Au coeur des interrogations, il y a le rôle joué par le cabinet KPMG, l’un des leaders mondiaux des services d’audit et de conseil, mandaté pour réviser les comptes annuels de la maison mère du foot mondial.
« C’est un cabinet qui a pignon sur rue, avec une réputation sérieuse », rappelle Christophe Lepetit, du Centre de droit et d’économie du sport (CDES). Mais « au vu des révélations qui s’accumulent, on est en droit de se poser des questions », ajoute l’économiste.
Les auditeurs de KPMG avaient-ils les moyens de repérer les flux frauduleux ? Le cabinet « devait juger la sincérité des comptes de la Fifa. Peut-être n’ont-ils pas voulu aller plus loin, en considérant que ce n’est pas leur mission », avance M. Lepetit.
Interrogé par l’AFP, KPMG n’a pas souhaité s’exprimer. « En tant qu’auditeur statutaire de la Fifa, nous sommes tenus au secret professionnel et devons nous abstenir de tout commentaire », a-t-il fait savoir.
Pour Emile Carr, de l’ONG Transparency International, c’est pourtant bel et bien l’audit qui est en cause. « Les auditeurs effectuent des contrôles au hasard ou sur la base d’échantillons statistiques (. . . ) Ils ne réalisent pas de tests à cent pour cent et ont donc pu rater les transactions frauduleuses », explique-t-il.
– Complicité des banques ? –
Toutes les malversations présumées, cependant, n’étaient pas repérables par les audits. « Quand on parle de l’achat de voix en vue de l’obtention de la Coupe du monde, l’argent ne passe pas par la Fifa. Ce sont les pays concernés qui ont directement payé les personnes », rappelle Vincent Chaudel, du cabinet Kurt Salmon.
Quant aux fonds alloués dans le cadre de « projets de développement », ils sont « versés sur la base de factures ». « Si elles ont été gonflées et s’il y a eu des détournements au niveau local, cela ne se voit pas dans les comptes », ajoute M. Chaudel.
Pour certains analystes, la nature de la Fifa, association assise sur une véritable mine d’or — le chiffre d’affaires de l’organisation s’est élevé à 5,7 milliards de dollars sur la période 2011-2014, grâce à l’explosion des droits TV et de marketing –, ne facilite pas la transparence.
La Fifa est une association de 209 fédérations à but non lucratif « et n’est pas soumise à un examen minutieux comme le sont les entreprises publiques ou privées (. . . ) Même si leurs bilans financiers peuvent être rendus publics, ils ne sont pas scrutés à la loupe », rappelle M. Carr, de Transparency International.
Pour M. Lepetit, « les personnes impliquées » ont « peut-être réussi à jouer de l’opacité du système helvétique ». « C’est plus compliqué de surveiller les flux financiers d’une association basée en Suisse que ceux d’une société cotée à New York », estime-t-il.
L’implication de multiples acteurs ne facilite pas les choses. Selon Jubilee USA, groupe d’organisations de lutte contre l’opacité financière, 26 banques d’envergure mondiale sont ainsi mentionnées dans l’acte d’accusation de la justice américaine. Et les faits de corruption n’auraient jamais été possibles sans leur « complicité ».
Sous le feu des critiques, la Suisse a approuvé fin décembre une série de dispositions pour renforcer le contrôle des grandes fédérations sportives basées sur son territoire, avec une nouvelle législation anti-blanchiment mise en place par le Groupe d’action financière (Gafi).
« La question centrale, c’est celle de la transparence », résume M. Sikka, pour qui KPMG devrait « rendre public » ses audits pour faire la lumière sur le contrôle financier de la Fifa. « On ne sait pas quelles questions ont été posées, quelles réponses ils ont obtenues. Tout est secret », regrette-t-il.
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