Burundi : le président de l’Assemblée dénonce le « forcing » électoral de Nkurunziza
Le président de l’Assemblée nationale burundaise Pie Ntavyohanyuma, opposant notoire à un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza, a annoncé dimanche depuis Bruxelles qu’il se trouvait « momentanément contraint » de rester loin de son pays et dénoncé le « forcing » électoral du président chef de l’Etat à la veille de législatives et communales controversées.
« Pour le moment, je suis contraint de rester à Bruxelles », a déclaré M. Ntavyohanyuma sur la chaîne de télévision France24, expliquant s’être à l’origine rendu en Europe pour une réunion de l’Union interparlementaire à Genève.
La défection de ce personnage clé de l’Etat burundais, président de l’Assemblée nationale depuis 2007, intervient quelques jours seulement après celle du 2e vice-président du pays, Gervais Rufyikiri, autre opposant notoire au 3e mandat. Ce dernier a annoncé cette semaine avoir lui aussi fui en Belgique car il n’était « plus capable de continuer à soutenir l’attitude du président de la République, sa volonté de conduire le peuple burundais sur la voie de l’illégalité ».
M. Ntavyohanyuma, haut cadre du parti au pouvoir CNDD-FDD, a une nouvelle fois dimanche appelé le chef de l’Etat à renoncer à sa candidature « illégale » à la présidentielle qui suivra, le 15 juillet, les premiers scrutins de lundi. Elles aussi controversées, les élections de lundi seront boycottées par l’opposition, qui affirme n’avoir pas pu faire campagne et avoir été la cible de menaces.
« A la veille de ce forcing, j’aimerais attirer l’attention de M. le président, l’interpeler (?) lui dire que son mandat vers lequel il veut aller est illégal », a-t-il lancé.
« Il pourrait y renoncer et organiser à l’aide des médiateurs qui sont au Burundi un dialogue inclusif pour (…) organiser des élections inclusives pouvant réconcilier tous les Burundais et permettre aux exilés de rentrer », a insisté le président de l’Assemblée nationale.
L’annonce fin avril de la candidature de Pierre Nkurunziza, déjà élu en 2005 et 2010, à un troisième mandat a déclenché un mouvement de contestation populaire violemment réprimé par la police et émaillé de heurts avec les jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure.
Les violences ont fait plus de 70 morts, selon une ONG de défense des droits de l’Homme burundaise. Plus de 120.000 Burundais ont aussi fui le climat préélectoral délétère dans des pays voisins.
« Ce forcing vers les élections n’a pas de sens », a ajouté M. Ntavyohanyuma, rappelant les nombreux appels à un report des élections.
« Les médiateurs envoyés par le secrétaire général des Nations Unies, l’union africaine, les pays de la communauté de l’Afrique de l’est, tous les hommes de bons sens (lui) conseillent de postposer ces élections pour pouvoir organiser des élections inclusives, consensuelles », a-t-il souligné.
M. Ntavyohanyuma, professeur d’université, était, à l’instar de M. Rufyikiri, considéré comme l’un des intellectuels du CNDD-FDD. Les deux hommes étaient tombés en disgrâce en même temps en mars, quand un conseil des sages du CNDD-FDD dont ils faisaient partie s’était prononcé contre une nouvelle candidature de Nkurunziza à la présidentielle.
Le principal conseiller en communication de Pierre Nkurunziza, Willy Nyamitwe, a cependant estimé que cette nouvelle défection ne représentait pas un coup dur pour le président: « il était déjà isolé au sein du parti et (?) on s’y attendait », a-t-il assuré.
« C’est un frondeur de longue date, qui vient tout simplement de l’officialiser », a-t-il ajouté, estimant par ailleurs que ce nouvel appel lancé à Pierre Nkurunziza pour qu’il renonce à sa candidature était sans effet.
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