Qunu, fier et apaisé que Mandela soit désormais « à sa place »
Ils n’auront vu qu’un corbillard passer, n’auront pas eu la chance d’un regard à son visage endormi. Mais les habitants du Transkei venus saluer le cortège funèbre de Nelson Mandela en bord de route samedi étaient heureux que l’illustre Xhosa soit enfin revenu reposer où « il est sa place ».
« C’est triste. C’est pour de vrai. C’est fini », a lâché Koleka Mkukwana, une vingtaine d’années, quand le long cortège est passé sur la route, rendant réel un décès qui, pour beaucoup, leur avait été volé, après une semaine nationale d’hommages.
Par grappes de quelques dizaines, centaines, voire jusqu’à 3. 000 à l’entrée de Mthatha, la ville où l’avion transportant le cercueil a atterri samedi en provenance de Pretoria, les habitants du Transkei sont venus pour un furtif adieu, le long des quelque 40 km jusqu’à Qunu, le village de son enfance.
« Juste bienvenue à la maison »
Pas de vague de tristesse, de deuil ostentatoire. Des chants, des danses, des sifflets et des cris sur le passage du corbillard et de sa longue escorte, une main agitée comme pour un simple au revoir. Mandela, de plus en plus retenu à Johannesburg ces dernières années par ses soins, n’était plus revenu à Qunu depuis plus d’un an.
« Je lui dis juste bienvenue, bienvenue à la maison », explique, avec un sourire radieux, Mxhasi Mpikwa, un lycéen de 19 ans, né « le même mois que les premières élections multiraciales » d’avril 1994.
Le gouvernement avait appelé à une « chaîne humaine » sur le cortège, ambitieux pari dans une zone rurale par excellence, à l’habitat dispersé isolé, sur des collines et plaines alternant.
Partout le long du chemin, les habitants interrogés par les journalistes de l’AFP disaient leur ambivalence: la frustration de n’avoir pu voir une dernière fois leur fils le plus illustre, mais la satisfaction de son retour « chez lui ».
« Pas mal de gens ici pensent que nous aurions dû avoir une chance de le voir. Après tout nous avons son musée, ici, ils auraient pu l’y exposer pour que les gens lui rendent hommage. Les gens (de Pretoria) ont pu, eux, depuis trois jours », maugréait Asiphe Vinjwa, 25 ans, son enfant sur le dos.
« Mais c’est bien qu’il vienne se reposer ici. Il est a sa place », ajoutait-elle, tandis que Mpikwa pressentait, lui, que les « gens commencent à guérir » du deuil, grâce au retour de Madiba parmi les siens.
Charisme xhosa, l’autre legs de Mandela
« Les gens ici sont calmes, mais ils ne vont pas bien », ajoutait Kutala, une infirmière de la clinique de Qunu, ouverte en 2001 par Nelson Mandela. « Nous avons passé une sombre semaine depuis sa mort. Mais nous savons qu’il a parcouru un long chemin. «
Tristesse et frustration étaient, pourtant, teintées par une touche de fierté des racines xhosas de Mandela, celles qui présideront dimanche aux funérailles d’Etat, mais où les rites, clan et tradition seront les maîtres de cérémonie.
« Il était avant tout le pacificateur, le réconciliateur. Mais Madiba (nom de clan de Mandela), c’est aussi une longue tradition de leaders charismatiques xhosas, avec Thabo Mbeki, Oliver Tambo, Steve Biko. . . C’est cela aussi l’héritage de Mandela, que notre génération doit porter », ajoutait Mpikwa, concluant d’un sourire. « Car nous les xhosas sommes charismatiques et. . . bons danseurs ».
Près du coeur mais pour toujours loin des yeux? Mandela, qui sera enterré dans un petit cimetière familial sur sa propriété, ne devrait plus être accessible au public, comme l’a posé avec autorité sa fille il y a quelques mois. A moins que la relation spéciale entre Mandela et Qunu ne joue encore, quand la vie au ralenti y aura repris ses droits.
« Peut-être, quand tout cela sera fini », dit-elle en parlant des funérailles et des nuées de médias, « si nous demandons à la famille, on pourra allez se recueillir sur sa tombe, si ce sont des visites calmes et dignes. Quand il était là, on pouvait allez chez lui sans problème si on demandait. «
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