Christo Brand, gardien de prison « converti » par Mandela

« C’est comme si j’avais perdu un père », confie Christo Brand qui fut l’un des gardiens de Nelson Mandela. Pourtant à leur rencontre sur l’île-bagne de Robben Island, il avait d’abord « détesté » le héros de la lutte anti-apartheid.

Christo Brand, gardien de prison « converti » par Mandela © AFP

Christo Brand, gardien de prison « converti » par Mandela © AFP

Publié le 8 décembre 2013 Lecture : 3 minutes.

« C’est une grande perte pour le pays », dit-il à l’AFP, alors que l’Afrique du Sud prépare des funérailles d’Etat pour son premier président noir, décédé jeudi à 95 ans.

« Il me manque mais je le garderai toujours dans mes pensées. « 

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A son arrivée sur Robben Island, au large du Cap (sud-ouest) à la fin des années 70, Christo Brand avait pourtant été mis en garde contre le détenu 46664. C’est « le plus grand criminel de l’Afrique du Sud », lui avaient soufflé ses collègues.

Le petit nouveau, tout juste âgé de 18 ans, est d’abord surpris par l’apparence de ce « terroriste » et de ses « camarades »: de vieux messieurs polis et toujours bien mis.

Mais le poids des préjugés, en cette période marquée par la violence et la propagande, est le plus fort. « Immédiatement, je l’ai détesté », avoue-t-il avec un fort accent afrikaner, la langue des premiers colons blancs.

« Nos relations étaient alors celles d’un gardien et d’un prisonnier. Mais dans les années 1980, nous avons changé. « 

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Au contact des opposants au régime ségrégationniste, Christo Brand finit par comprendre « pourquoi ils se battent ». Et peu à peu, raconte-t-il, « ils ont changé mon état d’esprit et mes opinions ».

Le changement n’est pas uniquement politique. Avec Mandela, le jeune homme « grandit ». Il apprend l’importance d’être humble, fier de soi, serviable et d’étudier durement.

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« Il m’a dit: +plus vous donnez, plus vous recevrez », se rappelle-t-il.

De plus en plus sensible aux tourments personnels de Mandela, il autorise en 1981, un petit accroc aux règles de la prison.

Mandela en larmes

A l’époque, le détenu n’a droit qu’à une visite personnelle de 30 minutes tous les trois mois et les enfants sont interdits. Mais sa femme Winnie a réussi à introduire dans la prison leur petite-fille, bébé, cachée sous une couverture.

Dès que Mandela l’a compris, « il m’a regardé et a dit +M. Brand, serait-il possible de voir l’enfant, même de loin?+ Je lui ai répondu non parce que je savais que la pièce était sur écoute. « 

En fait, il lui a tendu le nourrisson et Mandela, en larmes, l’a longuement embrassé.

Un an plus tard, Mandela est transféré à la prison de Pollsmoor, au Cap, où Christo Brand le suit. Là, le régime pénitenciaire s’assouplit. Un jour, le gardien est même chargé de trouver en urgence une lotion capillaire très spéciale que Mandela réclame.

Christo Brand finit par lui présenter sa famille. « Depuis, je leur envoie une carte à chaque Noël », racontera plus tard le grand homme, en décrivant son gardien commme « un jeune homme très agréable ».

« Des gens comme le gardien Brand ont renforcé ma croyance dans la profonde humanité même de ceux qui m’ont gardé en prison pendant vingt-sept ans et demi », remarquera à une autre occasion le symbole de la réconciliation et du pardon.

A la chute du régime ségrégationniste, Nelson Mandela devient président. Mais, pour Brand, il ne change pas. « Il vous donne toujours l’impression que vous êtes une personne importante. « 

Mandela garde un contact: il félicite son ancien gardien pour une promotion, aide son fils à décrocher une bourse universitaire et envoie ses condoléances quand ce même fils se tue dans un accident de voiture.

L’île de Robben Island est elle, transformée en musée et Brand y retourne comme guide.

Aujourd’hui, il se dit bouleversé par le départ de Mandela, même si cette fin était annoncée depuis plusieurs mois.

Et il ne tarit pas d’éloge sur son père spirituel. « Les gens se rappelleront toujours de lui comme d’une personne humble, accessible, mais aussi comme celui qui a changé le pays sans bain de sang.  »

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