Maroc: malgré son officialisation, le berbère peine à trouver sa place

Malgré son officialisation en 2011 après des décennies de lutte des militants de la cause amazighe, le Maroc peine encore à accorder une place de choix au berbère, langue maternelle d’une frange importante de sa population.

Maroc: malgré son officialisation, le berbère peine à trouver sa place © AFP

Maroc: malgré son officialisation, le berbère peine à trouver sa place © AFP

Publié le 1 décembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Le Maroc est le pays du Maghreb qui compte le plus de « berbères » (ou « amazighs »), une population dont la présence remonte à la période pré-islamique.

En 2004, d’après un recensement, huit millions de personnes -un quart des Marocains- parlaient quotidiennement un des dialectes berbères du pays. Les associations affirment que la majorité de la population est d’origine amazighe.

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Dix ans après une première reconnaissance historique, lors du discours royal d’Ajdir (nord), le Printemps arabe est venu apporter un soutien majeur aux défenseurs de cette cause: initiée pour répondre aux manifestations de rue, la Constitution de 2011 consacre le tamazight comme « langue officielle », au côté de l’arabe.

Elle prévoit notamment une loi organique assurant « les modalités de son intégration dans l’enseignement et les domaines prioritaires ».

« Mais qu’est-ce qui a été fait depuis? » s’interroge Ahmed Boukous, recteur de l’Institut royal de la culture amazighe (Ircam), un organisme officiel.

Le gouvernement, emmené depuis fin 2011 par le Parti justice et développement (PJD, islamiste), « a annoncé dans son programme d’action que les lois organiques relatives à l’amazigh allaient être promulguées. Mais on attend toujours », enchaîne-t-il.

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Interrogé par l’AFP, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Mustapha Khalfi, assure qu’il existe « un calendrier clair et précis ». Une « commission ministérielle présidée par le chef du gouvernement travaillera à partir de décembre sur l’élaboration du projet de loi organique » spécifique à l’amazigh, dit-il.

Mais, du côté des ONG, les critiques fusent.

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Anir, Tilila, Sifaw

« Malheureusement, nous sommes face à un parti qui avait déjà déclaré durant sa campagne qu’il était très réservé. Nous ne sommes donc pas surpris de la situation », affirme Ahmed Arehmouch, coordinateur de la Fédération nationale des associations amazighes (FNAA), selon qui, avec son « référentiel religieux », le PJD considère l’arabe comme « unique langue officielle ».

A Rabat, l’écriture tifinagh s’affiche sur les édifices publics, aux côtés de l’arabe et du français. Depuis trois ans, une chaîne TV diffuse aussi en tamazight.

Au Parlement, un ministre et de rares députés ont en outre créé la surprise ces derniers mois en prenant l’initiative de s’exprimer en berbère.

Mais « il faut être réaliste et envisager la chose de manière progressive, fait valoir Ahmed Boukous. Il y a des secteurs clés -éducation et médias, culture, justice–, où il faut concrétiser rapidement ».

« Le problème n’est pas dans les textes mais dans les têtes. On a encore une classe politique globalement amazighophobe », assène Mounir Kejii, un militant associatif.

La persistance de contentieux sur la question des prénoms montre que certaines pratiques ont la vie dure.

Anir (étoile du matin), Tilila (joie) ou Sifaw (flambeau); « les citoyens qui veulent donner des prénoms amazighs à leurs enfants sont les bienvenus », assure Abdelouahad Ourzik, directeur des Affaires juridiques au ministère de l’Intérieur.

De fait, la liste des prénoms officiels dressée dans les années 1990 par le puissant ministre de l’Intérieur d’alors, Driss Basri, a été abrogée il y a une décennie. Mais, « depuis janvier 2012, on recense encore 22 litiges », au Maroc ou dans des consulats à l’étranger, rapporte Ahmed Arehmouch.

« Parmi les milliers d’agents d’Etat civil, il peut y avoir des difficultés d’interprétation », reconnaît M. Ourzik, qui signale néanmoins que des procédures « protègent contre les abus de pouvoir »: en cas de refus, les parents peuvent « s’adresser à une haute commission indépendante ».

Reste qu’il « faut vraiment être déterminé », ajoute Ahmed Arehmouch.

Résident à Témara, près de Rabat, Mohamed Idrissi a vécu l’expérience.

« En 2007, quand j’ai donné le prénom Anir, ils ont sorti une liste et m’ont dit « ‘désolé mais on ne peut pas l’enregistrer’. Cela a gâché nos festivités », raconte-t-il.

Obstinée, la famille a obtenu gain de cause « après trois mois d’activisme ».

Depuis, M. Idrissi a eu un autre garçon, Anas. « Un prénom qui a une double signification: arabe et amazighe ».

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