Centrafrique: quand des bandits menacent de plonger le pays dans la guerre civile
La Centrafrique, où l’armée française s’apprête à intervenir pour rétablir l’ordre, vit depuis des mois un cauchemar entretenu par d’ex-rebelles devenus des bandits impitoyables dont les crimes à répétition menacent de faire basculer le pays dans une logique de guerre civile.
« On peut parler d’une stratégie criminelle de ces groupes, mais il n’y a pas de coordination entre eux, pas de planification », a expliqué à l’AFP Jean-Marie Fardeau, de l’organisation Human Rights Watch (HRW) après avoir été reçu à Paris avec des représentants d’une quinzaine d’ONG, par le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius.
« Les bandes armées en profitent pour se livrer à des razzias et des massacres. Des villages sont brûlés, pillés. Les habitants sont tués ou sont en fuite dans la brousse », a rappelé M. Fardeau.
Leur calvaire a débuté en mars lorsque la coalition rebelle Séléka dirigée par Michel Djotodia a renversé le régime du président François Bozizé. Agglomérat hétéroclite de rébellions, groupes de combattants venus du Tchad et du Soudan voisins, la Séléka a reçu au fil de son avancée le « renfort » de bandits de grand chemin, les « coupeurs de route », puis de milliers de « ralliés de la dernière heure » lors de son entrée dans Bangui, le 24 mars.
L’effondrement des dernières administrations encore opérationnelles dans un pays secoué par des crises à répétition et à l’abandon depuis des années a laissé libre cours au banditisme, s’ensuivant une vague de pillages, meurtres, viols.
Se revendiquant musulmans malgré leur comportement de soudards bien souvent ivres et « chanvrés », ils ont en quelques mois dressé des populations – dans un pays très majoritairement chrétien – les unes contre les autres, provoquant la création de milices d’auto-défense paysannes qui s’en pris à leur tour à des civils musulmans dans une logique de représailles.
Une grenade pour voler une mobylette
Du jamais vu dans un pays où la question religieuse ne s’était jamais posée et où les populations vivaient mélangées dans les mêmes quartiers, les mêmes villages, chacun avec son « boutiquier » musulman. Même s’il existe de longue date des conflits traditionnels entre éleveurs nomades musulmans et paysans sédentaires chrétiens.
« La crise n’est pas religieuse, c’est avant tout une crise économique et politique. La dimension religieuse n’est qu’une incidente », insistait dès septembre Mgr Nestor Désire Nongo Aziagbia, évêque de Bossangoa (250 km au nord-ouest de Bangui), épicentre des violences à caractère intercommunautaire.
Ces violences ont accentué la crise humanitaire chronique dans laquelle vit la Centrafrique depuis des années, sinon des décennies. Des régions entières sont en proie à « une prévalence incroyable de la malaria, à la malnutrition » et « la santé maternelle y est dramatique », a souligné le responsable de HRW.
« Dans les derniers temps, et ce n’est pas dans la tradition centrafricaine, (. . . ) ces affrontements ont pris souvent un tour ethnique et religieux alors que les autorités religieuses, catholiques ou musulmanes, sont au contraire très attachées à un fonctionnement harmonieux », a relevé M. Fabius .
« Les premières victimes chrétiennes sont des villageois qui n’ont rien demandé, et les victimes musulmanes sont souvent des commerçants ou des nomades qui n’ont rien à voir avec les Séléka », explique de son côté à l’AFP le chercheur français Roland Marchal.
Ce caractère de criminalité de droit commun se fait de plus en plus sentir dans la capitale depuis début novembre avec des vols extrêmement violents commis par des hommes isolés: une grenade lancée dans la rue pour voler une mobylette « moto-taxi » ou encore une rafale de Kalachnikov pour dépouiller une vendeuse de rue.
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