L’Egypte juge Mohamed Morsi quatre mois après sa destitution
Le procès pour « incitation au meurtre » du président islamiste Mohamed Morsi destitué par l’armée s’ouvre lundi en Egypte, dans la tourmente depuis la déposition il y a quatre mois de son seul chef d’Etat démocratiquement élu.
Ses partisans, emprisonnés ou décimés par l’implacable répression des autorités installées par l’armée dès le 3 juillet, appellent à la mobilisation au moment où M. Morsi doit faire sa première apparition publique depuis sa mise en détention au secret, faisant craindre de nouvelles violences.
Un général de la police a assuré à l’AFP qu’ »un plan a été mis en place pour sécuriser le tribunal et le transport de M. Morsi jusqu’à la salle d’audience » installée dans une académie de police de l’est du Caire.
Les autorités vont déployer 20. 000 hommes au Caire, mégalopole de 20 millions d’habitants, se disant prêtes à répondre à toute violence.
Dès dimanche soir, deux policiers égyptiens ont été tués et un troisième blessé dans une attaque près d’Ismaïliya, sur le canal de Suez, ont annoncé des sources des services de sécurité, bilan confirmé de source médicale.
M. Morsi doit répondre d’ »incitation au meurtre » de manifestants devant son palais présidentiel le 5 décembre 2012, lors de heurts qui avaient fait sept morts. Il encourt la peine de mort ou la prison à perpétuité.
Quatorze personnes, dont des membres de sa garde rapprochée et plusieurs dirigeants de la confrérie des Frères musulmans à laquelle il appartient, comparaissent également dans la même affaire.
Ce procès risque d’attiser un peu plus les divisions dans un pays où plus d’un millier de pro-Morsi ont péri dans la répression et où plus de 2. 000 islamistes ont été emprisonnés, dont la quasi-totalité des dirigeants des Frères musulmans.
Dans ce contexte, « la présence de M. Morsi dans le tribunal va galvaniser ses partisans et augmenter les possibilités de voir de nouvelles manifestations et affrontements », prédit Shadi Hamid, spécialiste de l’Egypte au Brookings Doha Center.
Pour l’organisation de défense des droits de l’Homme Amnesty International, ce procès est un « test » pour les autorités intérimaires.
L’ONG les presse d’ »amener Mohamed Morsi à l’audience et de lui accorder le droit à un procès juste, en particulier lui permettre de contester les preuves qui pourront être produites contre lui devant le tribunal ».
« Si ce n’est pas le cas, alors il sera permis de soulever des questions quant aux motivations cachées de ce procès », ajoute l’organisation internationale.
Mais, note M. Hamid, « ce procès est avant tout politique et il est important, donc il n’y a aucune chance qu’il soit libre et juste. Il rappelle clairement que la société égyptienne est actuellement profondément divisée ».
Les autorités se défendent pourtant de tout biais politique. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Badr Abdelatty a affirmé à la presse ce week-end que M. Morsi « comparaîtrait devant un juge conformément au Code pénal égyptien. « Rien d’extraordinaire, rien d’exceptionnel, il a droit à un procès libre et juste », a-t-il commenté.
Contrairement au président déchu Hosni Moubarak, également jugé pour meurtre de manifestants, M. Morsi a déjà prévenu qu’il ne coopérerait pas avec la justice dont il ne « reconnaît pas l’autorité », selon l’Alliance contre le coup d’Etat, la coalition chapeautée par les Frères musulmans qui organise la mobilisation de ses partisans.
Ses avocats ne seront présents lundi que pour surveiller la procédure judiciaire, a ajouté l’Alliance.
Les rares personnes ayant vu M. Morsi dans son lieu de détention secret l’ont trouvé déterminé à défendre sa « légitimité » puisée dans les urnes, comme il l’avait affirmé dans une vidéo diffusée le soir de son éviction.
Les faits qui lui sont reprochés avaient marqué un important tournant dans sa présidence: après six mois au pouvoir, M. Morsi avait édicté un décret le plaçant au-dessus de tout contrôle judiciaire, déclenchant des manifestations devant son palais.
Estimant que la police avait échoué à protéger le président, les Frères musulmans avaient appelé leurs partisans à déloger les protestataires. Ces violences –qui s’étaient soldées par sept morts– avaient soudé les rangs de l’opposition anti-Morsi qui, six mois plus tard, descendait dans la rue pour réclamer son départ et l’obtenait de la main des militaires.
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