Nigeria: l’écrivaine Adichie dissèque les façons d’être Noir aux Etats-Unis

La Nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, auteure du best-seller « L’Autre moitié du Soleil », se sert de son expérience personnelle pour explorer dans « Americanah », son troisième roman, les différentes façons d’être Noir aux Etats-Unis.

Nigeria: l’écrivaine Adichie dissèque les façons d’être Noir aux Etats-Unis © AFP

Nigeria: l’écrivaine Adichie dissèque les façons d’être Noir aux Etats-Unis © AFP

Publié le 11 octobre 2013 Lecture : 3 minutes.

Le rire de cette femme de 36 ans à la voix grave et au port de tête altier résonne dans les locaux exigus de sa maison d’édition nigériane, à Yaba, un quartier populaire et animé de Lagos: « Je ne suis pas une Americanah! », s’exclame-t-elle.

L’expression nigériane « Americanah », explique-t-elle, « fait référence à ces gens qui ont été aux Etats-Unis et qui se sont américanisés ».

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Son dernier roman, déjà un succès dans le monde anglo-saxon et dont la sortie est prévue prochainement en français, raconte les péripéties d’Ifemelu, une étudiante nigériane aux Etats-Unis et l’expérience parallèle de son amoureux de jeunesse en Grande-Bretagne.

A travers les interrogations d’Ifemelu, Adichie dissèque la société noire de l’Amérique d’aujourd’hui et les quiproquos qui découlent d’un passé que les jeunes immigrés africains ne partagent pas avec les Noirs américains.

L’auteure, qui vit aujourd’hui entre son Nigeria natal et les Etats-Unis, se souvient avoir vécu des situations similaires, « quand on attendait d'(elle) qu'(elle) comprenne que les blagues sur les pastèques ou sur le poulet frit étaient racistes », parce qu’elles font référence à des stéréotypes sur l’alimentation des Noirs américains.

« Une fois que j’ai commencé à me documenter et à poser des questions, j’ai compris certaines choses, d’un point de vue intellectuel, mais il y en a d’autres qu’on ne peut pas ressentir, parce que ce n’est pas notre propre histoire ».

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Adichie garde un souvenir précis de son premier retour au Nigeria, après quatre ans d’université aux Etats-Unis. Elle se rappelle avoir regardé par le hublot, et « avoir été saisie par tous ces toits rouillés et par ce paysage, comme une sorte de patchwork(. . . ) Et ce côté non planifié, désorganisé, m’a rendue si heureuse. Je me suis dit: Je suis à la maison! »

Quelques minutes après sa sortie de l’aéroport, elle se souvient aussi avoir été rapidement irritée par certaines choses, comme la façon de conduire ou la saleté. Mais aujourd’hui, le Nigeria reste le seul endroit où elle se sent chez elle.

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La guerre était toujours là

Son second roman, « L’Autre moitié du soleil », qui a reçu le prestigieux Orange Prize britannique en 2007, raconte à la fois l’histoire du Nigeria et une histoire très personnelle, puisqu’elle a affecté toute la famille de Chimamanda Adichie: celle de la guerre du Biafra, qui a fait près d’un million de morts, lors de la sécession de cette province du Sud-Est, entre 1967 et 1970.

Vendu à 800. 000 d’exemplaires rien qu’en anglais et traduit en 35 autres langues, « L’Autre moitié du soleil », dont le titre fait référence à l’éphémère drapeau biafrais, vient d’être adapté au cinéma par l’écrivain et metteur en scène nigérian Biyi Bandele. Il a été projeté au festival de Toronto le mois dernier et doit sortir prochainement dans les salles.

« J’ai choisi de ne pas m’impliquer dans le film, pour ma propre santé mentale. C’est un livre dont je suis très fière mais qui représente beaucoup, d’un point de vue émotionnel (. . . ) donc je me suis dit qu’assister au découpage de morceaux entiers de ce sur quoi j’ai travaillé dur pendant six ans serait trop difficile », estime-t-elle.

Elle dit avoir vu le film et l’avoir trouvé « très beau » et « assez fidèle au livre » même si beaucoup de passages du livre n’y figurent pas.

Chimamanda Adichie est igbo, l’ethnie au centre de la guerre du Biafra, et elle a grandi dans la ville de Nsukka, dans le Sud-Est, où son père était professeur à l’université.

Elle est née sept ans après la fin de cet épisode tragique mais le souvenir de la guerre a toujours été présent dans sa famille et il a habité son enfance.

« Ma mère disait toujours +j’avais ça avant la guerre+ et mon père parlait sans cesse de son propre père, mon grand-père, que je n’ai jamais connu parce qu’il est mort en 1969 dans un camp de réfugiés », se souvient-elle.

« La guerre était toujours là. +agha+ (en igbo) (. . . ) Mais je ne connaissais pas les détails de ce qui s’était passé jusqu’à ce que je commence à lire là-dessus ».

« Je pense que cela est vrai pour beaucoup de gens de ma génération, surtout pour les Igbos issus de familles d’anciens Biafrais ».

Après la publication de « L’Autre moitié du soleil », Adichie dit avoir reçu le témoignage de nombreuses personnes pour qui ce roman a été « un point d’entrée vers leur propre histoire ». « Après avoir lu le livre, ils sont allés demander à leur père: tu étais où en 1967? »

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