Procès Gbagbo : l’identité de quatre témoins protégés dévoilés, la CPI va enquêter
La Cour pénale internationale (CPI) de La Haye a annoncé samedi l’ouverture d’une enquête pour déterminer comment les noms d’au moins quatre témoins protégés au procès de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo ont été dévoilés par erreur.
L’affaire a éclaté vendredi au cours d’une session à huis clos du procès Gbagbo pour crimes contre l’humanité mais qui a été diffusée par erreur sur la chaîne publique de la CPI. Cet incident va faire « l’objet d’une enquête » , a déclaré à l’AFP une responsable du tribunal, Sonia Robla.
Une vidéo de cette audience a largement circulé sur les réseaux sociaux, y compris sur Youtube. Elle montre un juge de la CPI, Cuno Tarfusser, en train de demander le huis clos à la requête du procureur Eric MacDonald.
Mais les micros sont restés ouverts et on entend le procureur dire qu’il souhaite soulever la question de la protection des témoins. Pour des raisons de sécurité liées à l’identité des témoins, la CPI surveille les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter, a-t-il déclaré.
« Certains blogueurs, journalistes et membres du public » qui suivent le procès dans la galerie du tribunal réservée au public ou sur internet « postent des commentaires en direct » sur le procès sur Twitter, explique M. MacDonald aux trois juges.
Ces blogueurs « tentent de déterminer l’identité des témoins 9, 10 et 11 », ajoute-t-il, selon une traduction en français de ses déclarations retransmises sur un clip de Youtube. Le procureur se met ensuite à prononcer leurs noms qu’on peut entendre clairement sur la chaîne publique du tribunal.
Une quatrième identité a ensuite été dévoilée, selon des médias.
La bourde faisait samedi la Une de la presse ivoirienne, pro-Gbagbo ou proche du camp de l’actuel président Alassane Ouattara. « Scandale à la CPI, le procureur dévoile les témoins », annonçait le quotidien Notre Voie, favorable à M. Gbagbo. Le journal Nord-Sud, proche de la présidence, évoquait pour sa part la « Panique totale dans le camp Gbagbo ».
« Oui, je suis sur la liste des témoins, mais les gens ne savent pas de quoi il s’agit », affirme l’un des témoins interrogé par Notre Voie. « Ils ne savent pas si je suis témoin à charge ou à décharge, moi je suis un homme politique, j’ai vécu les événements et je sais ce que j’ai à dire », ajoute-t-il.
L’incident de vendredi n’est pas le premier de ce type au cours du procès, qui a débuté la semaine dernière, de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, ancien chef du mouvement des Jeunes patriotes fidèles à l’ex-président ivoirien.
Mercredi déjà, le premier témoin de l’accusation, identifié sous le matricule P547, a accidentellement donné son nom alors qu’il racontait comment les forces loyales à M. Gbagbo avaient ouvert le feu sur des manifestants non armés.
Le juge Tarfusser avait alors immédiatement mis fin à l’audition et ordonné aux journalistes de ne pas citer le nom de ce témoin. Les journalistes présents au tribunal avaient dû communiquer leur nom à des responsables de la sécurité de la juridiction.
La protection des témoins dans le cadre des procès devant la justice internationale est cruciale.
De nombreux témoins redoutent des représailles s’ils témoignent contre ceux qui sont jugés et la CPI tente de cacher leur identité, certains changeant de pays à plusieurs reprises pour démarrer une nouvelle vie.
MM. Gbagbo et Blé Goudé comparaissent devant la Cour pénale internationale de La Haye pour leurs rôles présumés dans la crise née du refus de l’ex-chef de l’Etat de céder le pouvoir à son rival Alassane Ouattara, reconnu vainqueur de la présidentielle de fin 2010.
Les violences avaient fait plus de 3.000 morts en cinq mois dans les deux camps, transformant en champ de bataille certaines zones du premier producteur mondial de cacao, moteur économique de l’Afrique de l’Ouest.
M. Blé Goudé et son mentor sont accusés de quatre chefs de crimes contre l’humanité: meurtres, viols, persécutions et autres actes inhumains, présumés commis notamment par les Jeunes patriotes.
Ils ont plaidé non-coupable à l’ouverture du procès alors que l’accusation assure que l’ancien président, âgé de 70 ans, s’est accroché au pouvoir « par tous les moyens ».
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