L’Algérie révise sa Constitution pour préparer l’après-Bouteflika
Le Parlement algérien a adopté dimanche une réforme de la Constitution voulue par le président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 17 ans, et qui dessine les contours du système une fois qu’il laissera les rênes du pays.
Devenu tout puissant après avoir réduit l’influence des puissants services secrets, M. Bouteflika a finalement poussé cette réforme de la Constitution évoquée pour la première fois en 2011, année du Printemps arabe.
La principale disposition prévoit le rétablissement de la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels. C’est M. Bouteflika lui-même qui avait supprimé cette limitation. Elu en 1999, puis réélu en 2004, il avait ensuite brigué un 3e puis un 4e mandat, éveillant les soupçons d’un désir de présidence à vie.
Le texte écarte cette possibilité alors que le chef de l’Etat âgé de 78 ans est affaibli par la maladie. Il pourra toutefois terminer son quatrième quinquennat qui court jusqu’en 2019 et même en briguer un cinquième s’il le souhaitait.
La révision de la Constitution interdit par ailleurs aux Algériens ayant une autre nationalité l’accès aux hauts postes dans la fonction publique, une mesure qui suscite la colère dans la communauté franco-algérienne, estimée à des centaines de milliers de personnes.
La révision de la Constitution voulue par le chef de l’Etat mais critiquée par l’opposition a été approuvée par 499 parlementaires. Deux ont voté contre et 16 se sont abstenus, a précisé le président du Sénat, Abdelkader Bensalah. Pour être adoptée, la révision devait recueillir l’adhésion de trois-quarts des 462 députés et 144 sénateurs.
– ‘Coup de force’ –
Le Premier ministre Abdelmalek Sellal a salué un président « architecte de la nouvelle République algérienne ».
Tout en restant méfiant, l’opposant Djamel Zenati juge qu »avec la présente révision, la Constitution de notre pays réunit enfin les principaux matériaux nécessaires à la construction démocratique ».
Mais comme « le viol de la loi est devenu la loi » cela « n’incite guère à accorder un soupçon de sincérité » au pouvoir, ajoute-t-il dans une tribune publiée par le quotidien El Watan.
Plus critique, l’ancien Premier ministre Ali Benflis, deux fois adversaire malheureux de M. Bouteflika a dénoncé un « coup de force constitutionnel » pour « régler les seuls problèmes du régime politique en place et non ceux du pays ».
Après le vote au Parlement, M. Bouteflika a annoncé la mise en place d’une « cellule de suivi » pour « veiller attentivement, dans les temps impartis et jusqu’à son terme, à la concrétisation minutieuse et intégrale » des dispositions adoptées.
La révision de la Constitution intervient quelques jours après la dissolution par le président du Département du Renseignement et des Services (DRS), considéré comme un « Etat dans l’Etat » avec notamment des pouvoirs de police politique sans cesse dénoncés par l’opposition.
Le DRS est remplacé par de nouvelles structures placées directement sous l’autorité de la Présidence qui s’affirme ainsi comme le centre névralgique du pouvoir.
– Rempart –
Le nouvelle Constitution introduit par ailleurs en préambule la préservation de la « politique de paix et de réconciliation nationale » mise en oeuvre par M. Bouteflika pour mettre fin à la « tragédie nationale », expression désignant la guerre civile qui a fait 200.000 morts dans les années 1990.
L’organisation de défense des droits de l’Homme Amnesty International estime que cette disposition empêche d’établir la vérité sur cette sombre page de l’histoire de l’Algérie.
La révision adoptée dimanche rend aussi de modifier certains points de la Constitution, dans le cas par exemple d’une éventuelle conquête du pouvoir par une majorité islamiste.
Il s’agit d’ »un rempart contre l’oubli et « contre les aléas des changements politiques », a insisté le Premier ministre.
En 1992, l’armée avait annulé un processus électoral après une victoire écrasante du Front islamique (FIS, dissous) qui promettait d’abolir la démocratie et d’instaurer une République islamique, plongeant ce pays du Maghreb dans une sanglante guerre civile.
La disposition barrant aux bi-nationaux l’accès aux hautes fonctions de l’Etat a continué de susciter la colère des Algériens de la diaspora. La députée franco-algérienne, Chafia Mentalecheta, élue dans le Nord de la France, a boycotté le congrès du Parlement. Elle a critiqué un texte faisant des bi-nationaux « des citoyens douteux » et de « potentiels traîtres à la nation », a-t-elle déclaré à l’AFP. La nouvelle Constitution « ne durera pas » parce qu’elle « n’inclut pas l’opposition », a-t-elle prédit.
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