La Tunisie doit revoir son modèle de développement, selon le FMI
La Tunisie, qui négocie un nouveau prêt avec le Fonds monétaire international (FMI), doit revoir son modèle de développement pour « bâtir une croissance inclusive », a affirmé dans un entretien à l’AFP le nouveau représentant du Fonds dans ce pays, Robert Blotevogel.
Unique rescapée des Printemps arabes, la Tunisie a connu en janvier sa plus importante contestation sociale depuis 2011 alors que la croissance a plafonné à 0,8% en 2015, l’économie étant frappée de plein fouet par des attentats meurtriers qui ont fait plonger le tourisme.
« Les premières indications (…) ne font pas croire qu’il y a aura une grande reprise » cette année dans le secteur du tourisme, a estimé M. Blotevogel.
L’agriculture devrait également réaliser des performances moindres. L’an dernier, la Tunisie s’était hissée au rang de premier exportateur mondial d’huile d’olives.
2016 sera « comme une année de stabilisation », explique le représentant du FMI.
En conséquence, « la croissance qui s’annonce en 2016 ne répond pas aux aspirations du peuple tunisien. Elle n’est pas suffisamment forte (…) pour résorber le chômage », supérieur à 15% au niveau national, a-t-il prévenu.
Dans ce contexte, le gouvernement, qui a présenté l’été dernier un « plan de développement 2016-2020 », doit modifier sa politique budgétaire pour relancer l’économie et faire que la croissance « touche les plus vulnérables, et aussi les régions défavorisées », insiste M. Blotevogel.
Même si le « déficit global » a été « plutôt maîtrisé », « on fait face à un problème de composition du budget », a fait valoir le représentant du FMI. Selon lui, la « fonction publique » constitue « un fardeau lourd pour les dépenses de l’Etat » et « un défi très important pour l’économie tunisienne ».
– ‘Renverser la tendance’ –
La hausse « importante de la masse salariale » depuis 2011 s’est faite au détriment de l’investissement public, regrette M. Blotevogel.
« Il faudrait renverser cette tendance. (…) L’idée serait vraiment de bâtir les bases pour une croissance inclusive et refaire le modèle de développement de la Tunisie », a-t-il plaidé.
« Comment le faire? C’est justement ce (…) que nous sommes en train de discuter », a-t-il souligné en référence aux négociations en cours à Tunis sur un nouveau plan d’aide.
Et les discussions « avancent bien », selon lui. D’ores et déjà, avec le gouvernement, « nous sommes d’accord sur l’objectif pour les grandes réformes, le diagnostic » sur la situation. « Il y a une parfaite cohérence de vues et maintenant les discussions se focalisent surtout sur le calendrier de mise en ?uvre », a dit M. Blotevogel.
– Validation prévue le 22 avril –
La Tunisie avait annoncé en septembre dernier avoir demandé un nouveau plan d’aide au FMI, à l’occasion d’une visite de sa directrice générale, Christine Lagarde.
Son montant sera au moins équivalent à la précédente ligne de crédit, soit 1,7 milliard de dollars (1,55 milliards d’euros), a confirmé M. Blotevogel.
Octroyée en 2013 sur deux ans (prolongés de sept mois), celle-ci entrait dans le cadre d’un programme destiné à soutenir la transition politique après la révolution qui a mis fin en 2011 à la dictature de Zine el Abidine Ben Ali.
Le futur plan s’étalera lui sur quatre ans, à la demande du gouvernement tunisien, a noté M. Blotevogel, ajoutant que le conseil d’administration du Fonds se prononcera sur sa validation le 22 avril.
« Nous sommes d’accord sur le fait qu’il ne faudrait pas s’endetter juste pour s’endetter », a-t-il encore déclaré, en réponse aux critiques en Tunisie contre ce nouveau recours au FMI.
Le premier plan « s’est déroulé dans des conditions très difficiles », a-t-il rappelé, citant la faible croissance en zone euro –premier partenaire de la Tunisie– et la crise en Libye voisine.
Il a également évoqué une transition démocratique tunisienne qui « a mis plus de temps qu’attendu », « a été accompagnée par des manifestations sociales (…) puis par cet aspect sécuritaire devenu de plus en plus important avec les attentats terroristes en 2015 ».
Si les autorités ont « réalisé d’importants progrès dans plusieurs champs, dont le secteur financier » avec la restructuration des banques publiques, il a relevé que des « vulnérabilités macro-économiques persistent ».
La Tunisie a « fait preuve d’une certaine résilience parce que les grands équilibres macro-économiques ont pu être maintenus », a noté le responsable du Fonds. Mais il existe « un certain nombre de défis, de faiblesses qui persistent ».
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