Erythrée: le cyclisme, petite ouverture sur le monde

En terminant deuxième du Tour de Turquie, en avril, le cycliste érythréen Natnael Berhane a montré au monde un autre visage de l’Erythrée, pays parmi les plus fermés au monde.

Publié le 23 août 2013 Lecture : 4 minutes.

Victorieux d’une étape, Natnael pourrait même devenir le premier cycliste d’Afrique subsaharienne à figurer au palmarès d’une course de ce niveau après le contrôle positif à l’EPO du vainqueur final, le Turc Mustafa Sayar, en mars au Tour d’Algérie.

A 22 ans, le coureur érythréen, membre de l’équipe professionnelle française Europcar, deux fois champion d’Afrique de course en ligne (2011 et 2012), est déjà l’un des espoirs du cyclisme mondial.

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Son pays lui a offert un terrain d’entraînement idéal, avec ses routes de montagne qui serpentent en bordure de falaises, passant en 100 km seulement du niveau de la mer, sur les bords de la mer Rouge, aux 2. 325 mètres d’altitude de la capitale Asmara.

Passionné de vélo, le pays ne compte néanmoins que six coureurs professionnels au niveau international et 650 licenciés.

Ce qui n’a pas empêché le pays de remporter le championnat d’Afrique en contre-la-montre par équipe ces trois dernières années et de figurer actuellement en deuxième position du classement des Nations du circuit africain de l’Union cycliste internationale (UCI). Et le champion d’Afrique du contre-la-montre individuel depuis 2010, Daniel Teklehaimanot, est également Erythréen.

« Quand je cours en Europe, le but est de présenter mon pays au monde », explique à l’AFP, quelques minutes avant un entraînement dans les rues d’Asmara, le cycliste professionnel Meron Russom, 26 ans, vêtu de sa tunique jaune de l’équipe sud-africaine MTN-Qhubeka, qui compte trois Erythréens dans ses rangs.

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« Nous continuons de nous battre pour placer l’Erythrée en tête des classements sportifs, surtout en cyclisme », poursuit le coureur, vice-champion d’Afrique 2010 de course en ligne (derrière son compatriote Teklehaimanot), vainqueur du Tour d’Erythrée 2011 et 2e du classement final de la Tropicale Amissa Bongo, au Gabon en 2012.

Une tradition datant de la colonisation

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Les cyclistes érythréens ont fait de considérables progrès ces dernières années.

« Ils n’avaient jamais eu l’opportunité (. . . ) d’essayer de se hisser au plus haut niveau du cyclisme, jusqu’à ce que l’UCI mette en place un centre d’entraînement en Afrique du Sud » en 2005, se félicite le président de la Fédération internationale, Pat McQuaid.

La tradition du cyclisme en Erythrée remonte pourtant à la colonisation italienne, il y a plus d’un siècle. Des courses internationales furent organisées en Erythrée, mais les Erythréens durent attendre la fin des années 1940 pour être autorisés à courir aux côtés des Italiens.

Aujourd’hui, le vélo fait partie de l’identité du pays et à Asmara, les voitures doivent partager la route avec les nombreuses bicyclettes, dont le succès est aussi favorisé par les nombreuses pénuries de carburant.

Le sport cycliste érythréen a souffert des trente ans de guerre de libération (1961-1991) contre l’Ethiopie, à laquelle l’Erythrée avait été rattachée en 1952, explique Giovanni Mazzola, né en Erythrée mais que l’Histoire fit pédaler sous les couleurs éthiopiennes aux jeux Olympiques de Rome en 1960.

« Avant l’indépendance (de fait) en 1991 (. . . ) à cause de la guerre, les gens ne pouvaient pas sortir » s’entraîner et concourir, explique M. Mazzola à l’AFP.

Malgré ses succès, le cyclisme érythréen reste handicapé par le manque d’équipement, les programmes d’entraînement limités, mais aussi l’isolement du pays et la méfiance du régime à l’égard de l’extérieur.

Le gouvernement achète des vélos de compétition et les meilleurs cyclistes sont aidés par des sponsors. Mais « le financement est un problème, il est insuffisant », explique le président de la Fédération de cyclisme, Asmerom Habte.

Surtout, tous les coureurs ne sont pas autorisés à partir courir à l’étranger, les autorités érythréennes restreignant sévèrement les voyages de leurs ressortissants, même pour leurs athlètes, dont plusieurs ont profité de compétitions à l’extérieur pour fuir la pauvreté et l’absence de libertés, dans un pays de parti unique, sans élections nationales, sans presse privée et où il est dangereux de critiquer le régime.

Deux cyclistes ont fait défection cette année. En décembre, c’est l’ensemble de l’équipe nationale de football qui a disparu en Ouganda, cinq mois après que le coureur Weyney Gebreselasie eut profité des Jeux de Londres pour demander l’asile politique au Royaume-Uni.

Meron Russom assure, lui, préférer s’entraîner en Erythrée, profitant des routes à haute altitude, du climat tempéré, des variations du terrain qui autorisent autant la course sur route que le VTT, ainsi que du soutien de ses compatriotes.

« Ici, tout le monde nous connaît. Quand on passe sur la route, les gens nous appellent par notre nom, c’est une aide énorme », explique-t-il.

Chris Froome, vainqueur du Tour de France 2013 est né au Kenya, mais court sous les couleurs britanniques. Et Meron Russom espère toujours qu’un jour un Africain -de préférence un Erythréen- remportera la plus réputée des courses cyclistes.

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