Tunisie: « l’art finit par triompher », selon le chanteur de la révolution
« L’art finit toujours par triompher » assure le chanteur Lotfi Bouchnak, qui mis la révolution tunisienne en chansons, se disant optimiste face aux menaces sur la création artistique, dans un entretien à l’AFP en marge du festival Mawazine, au Maroc.
« La révolution tunisienne continue », assure le chanteur-compositeur qui entonna des chants révolutionnaires dès le début du soulèvement de janvier 2011, dont il a fait un album en mars de la même année.
« L’art finit toujours par triompher, et les gens ne peuvent pas se passer de l’art et de la beauté », affirme-t-il.
Plus de deux ans après la chute du régime de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali, il continue de défendre la révolution tunisienne, et ce malgré les menaces que font désormais peser les mouvements salafistes sur la création artistique.
En août 2012, deux salafistes avaient ainsi agressé le poète tunisien Mohamed Sghir Oulad Ahmed. Une semaine auparavant, un groupe s’était attaqué aux organisateurs d’un festival à Bizerte, au nord de Tunis.
En réaction, le gouvernement tunisien, dominé par les islamistes, avait avancé que ces agressions étaient « étrangères à la société tunisienne, connue par sa modération ».
« La révolution tunisienne est condamnée à réussir », clame pour sa part Lotfi Bouchnak. « Nous n’avons pas d’autre choix que celui de la faire réussir (. . . ). Le changement ne se fait pas en deux, trois ou même quatre ans », insiste cet ambassadeur de la paix auprès de l’ONU depuis 2004.
Né en janvier 1954 au coeur de la médina de Tunis, Lotfi Bouchnak a été influencé, très jeune, par les grands noms de la chanson arabe classique, de l’Egyptienne Oum Kalsoum à la Libanaise Fairouz, en passant par Farid Al Atrach ou Mohamed Abdelwahab, surnommé « la pyramide de la musique arabe ».
« Artiste engagé »
Après la révolution, M. Bouchnak a été confronté en 2011 à une controverse qui l’a « beaucoup marqué », note-t-il.
Des détracteurs lui reprochent d’avoir surfé sur les événements tout en ayant, dans le passé, soutenu l’ancien régime.
Alors qu’il est programmé pour faire l’ouverture de l’édition 2011 du Festival international de Carthage, le Syndicat tunisien des musiciens l’en empêche, l’accusant d’avoir signé en août 2010 un appel à la réélection de Ben Ali.
Le chanteur, qui a rejeté les accusations, s’en défend toujours vigoureusement, soutenant que son nom a été ajouté à cette liste « sans son accord ».
Deux ans après l’incident, Lotfi Bouchnak continue de se définir comme un « artiste engagé ».
« L’artiste est soit engagé soit il n’existe pas. Chacun d’entre nous doit assumer sa part de responsabilité, là où il est, pour que la révolution tunisienne aille jusqu’au bout de ses objectifs », fait-il valoir.
« Mon message a toujours été le même: rappeler le passé pour ne pas oublier, et donner aux gens des raisons d’espérer pour vivre, aujourd’hui et demain », enchaîne-t-il.
Même si certains critiques évoquent un essoufflement de sa production, Bouchnak reste accueilli comme une grande star de la chanson arabe classique, notamment au Maghreb où il se produit régulièrement.
Samedi dernier à Mawazine, au dernier jour d’un festival qui a battu son record de fréquentation (2,5 millions de spectateurs selon les organisateurs), il a chanté pour la première fois en duo avec Abdelwahab Doukkali, légende vivante de la chanson marocaine.
Sur la scène du théâtre Mohammed V, bien garni pour l’occasion, les deux artistes ont entonné leurs succès devant un public ému, composé de Marocains mais aussi de Tunisiens.
Ghazi Khalil, un animateur radio venu de Tunis spécialement pour Mawazine, a dit savourer l’instant.
« Ce duo avec Doukkali, c’est vraiment une rencontre de grands », s’est-il exclamé.
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