Afrique du Sud : le nouveau maire de Johannesburg veut tourner la page de l’ANC
« Je suis un capitaliste décomplexé » : depuis son élection, le nouveau maire de Johannesburg répète à qui veut l’entendre qu’il va chambouler la gestion de la plus grande ville d’Afrique du Sud, tombée le mois dernier aux mains de l’opposition.
« Le problème de l’ancienne municipalité, c’est qu’elle a créé une culture de dépendance », déplore Herman Mashaba lors d’un entretien accordé à l’AFP dans son bureau du centre de la mégapole. « Moi, je veux rendre aux gens la maîtrise de leurs vies ».
A 56 ans, ce millionnaire est devenu un des symboles du séisme politique qui a frappé le pays de Nelson Mandela à la faveur du scrutin local d’août.
Un peu plus de vingt ans après la fin de l’apartheid, le Congrès national africain (ANC) y a subi sa plus sévère claque électorale depuis son arrivée au pouvoir en 1994, contraint de céder le contrôle de plusieurs cités emblématiques comme Johannesburg, la capitale Pretoria ou encore Port-Elizabeth (sud).
Porté par ce vent de changement, M. Mashaba s’est retrouvé propulsé, à la faveur d’une improbable coalition de tous les ennemis de l’ANC, aux commandes d’une mégapole percluse de difficultés, à l’image de toute l’économie du pays.
L’homme d’affaires a bâti sa fortune dans la vente de produits capillaires destinés aux Noirs. Ce n’est qu’il y a deux ans qu’il est entré en politique sous la bannière de l’Alliance démocratique (DA), le principal parti d’opposition.
Fulgurante, son ascension a suscité les sarcasmes de ses rivaux tout au long de la campagne électorale.
« Je sais que l’ANC aimerait bien que l’on échoue », s’amuse Herman Mashaba. « On m’a qualifié de novice en politique (…) les gens disaient de moi que je n’avais aucune chance de devenir maire de Johannesburg », ajoute-t-il, mais « aujourd’hui me voilà dans ce fauteuil depuis quinze jours ».
Pour remettre sur pied la capitale économique sud-africaine, l’élu de l’opposition entend bien s’inspirer de sa « success story ».
« Diriger une municipalité, c’est s’occuper des problèmes quotidiens comme, l’eau, l’électricité, le logement », professe-t-il, « nous nous devons de tous les régler ».
Déçu de l’ANC
Johannesburg se targue volontiers de disposer des meilleures infrastructures d’Afrique du Sud, dont son premier train à grande vitesse. Mais près de la moitié de ses 5 millions d’habitants y vivent encore sous le seuil officiel de pauvreté, avec un revenu mensuel inférieur à 2.300 rands (environ 142 euros).
Très ambitieux, le nouveau maire s’est fixé pour objectif de faire progresser l’activité de sa ville de 5% par an, à contrecourant de la croissance nulle anticipée pour tout le pays en 2016.
M. Mashaba, longtemps soutien de l’ANC, reproche aujourd’hui au parti au pouvoir d’être le principal responsable de la crise.
« En 1994, j’étais enthousiaste, j’espérais l’avènement en Afrique du Sud d’une nouvelle vague d’entrepreneurs », dit-il. « Aujourd’hui, les gens sont au chômage, ils vivent dans la misère, ils sont lamentablement trompés par un gouvernement ANC qui ne pense qu’à se servir », déplore le maire.
Son parti, qui a rassemblé 27% des suffrages au niveau national le mois dernier, est largement considéré comme un parti dominé par les classes moyennes blanches.
Mais M. Mashaba entend bien ne pas abandonner à leur sort les populations les plus démunies, en grande majorité noires.
« Il ne fait aucun doute que la priorité doit être accordée aux pauvres, c’est une affaire qui relève des droits de l’homme », estime l’édile, dont la propre mère était femme de ménage.
« Cette ville peut en même temps attirer les hommes d’affaires et défendre les plus pauvres », assure-t-il.
Avant de se promettre de ramener de 25 à 20% le taux de la population sans emploi de sa ville d’ici à la fin de son mandat en 2021. « Sinon (…) je m’attends à ce que les électeurs ne me réélisent pas », anticipe l’ex-PDG.
Au delà de son propre sort, Herman Mashaba est persuadé que son succès aux commandes de Johannesburg peut prouver que son parti est prêt à succéder à l’ANC du président Jacob Zuma à la tête de tout le pays dès les prochaines élections générales.
« A l’occasion des élections de 2019, la DA va diriger ce pays », pronostique-t-il.
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