Le Tchad part en guerre contre Boko Haram pour sa sécurité
L’armée tchadienne, aguerrie et habituée aux combats contre les groupes jihadistes, est passée à l’offensive au Nigeria avant tout pour des questions de sécurité nationale, les islamistes de Boko Haram menaçant d’arriver aux portes de N’Djamena.
S’exprimant lors des voeux au corps diplomatique quelques jours après avoir décidé d’envoyer des troupes au Cameroun et au Nigeria à la mi-janvier, le président tchadien Idriss Deby Itno avait été direct sur les motivations de son intervention: « en agissant ainsi, le Tchad n’a d’autre ambition que de poursuivre son engagement en faveur de la stabilité de l?Afrique et de préserver sa propre sécurité. C?est toute la logique de son intervention au Mali et en République centrafricaine ».
Adversaire résolu des jihadistes depuis des années, il a envoyé son armée en première ligne aux côtés des Français au Mali pour stopper l’avancée début 2013. Il est également intervenu chez son voisin centrafricain qui sombrait dans le chaos sur fond de massacres intercommunautaires.
Avec Boko Haram, qualifié de « horde d’illuminés et de drogués », le péril jihadiste est aux frontières du Tchad, préservé jusque présent d’incursions sanglantes des islamistes nigérians.
– Le choix des armes –
Face aux atermoiements du Nigeria, l’armée tchadienne est passée à l’action dans l’urgence, d’abord pour épauler l’armée camerounaise. Celle-ci est soumise depuis des mois à des assauts répétés des islamistes dirigés par Abubakar Shekau à la frontière camerouno-nigériane, à quelques encablures de N’Djamena.
Une défaillance de l’armée camerounaise, qui réclamait depuis des mois un soutien international, aurait été catastrophique pour le Tchad. Elle aurait en effet entraîné la coupure de l’axe routier stratégique N’Djamena-Douala, le port camerounais qui est aussi le débouché maritime du Tchad, pays enclavé.
Depuis plusieurs semaines déjà, le trafic était gravement perturbé par les actions de Boko Haram.
Au Cameroun, mais aussi au Niger – sur la rive opposée du lac Tchad – dont le Parlement doit voter lundi sur l’envoi de troupes au Nigeria contre les islamistes. Les islamistes ont pris début janvier de la ville de Baga, sur la rive nigériane du lac, paralysant toute activité dans la zone, comme l’ont constaté récemment des journalistes de l’AFP.
« Nos échanges commerciaux avec le Cameroun et le Nigeria sont quasiment interrompus, du fait de la crise sécuritaire sans précédent que vivent ces deux pays voisins », a rappelé M. Deby, dans un contexte d’effondrement des cours du pétrole, première source de recettes du pays.
Face à la montée des périls, le président tchadien a fait le choix des armes. Et son armée a montré une nouvelle fois sa capacité à réagir très vite. En deux semaines, des milliers d’hommes, des centaines de véhicules, des stocks impressionnants de munitions ont été acheminés aux frontières, malgré les pistes parfois défoncées le long du lac Tchad.
– Rezzou blindé et aérien –
La mobilité et la rapidité, héritage du rezzou, ces raids éclair menés par les nomades du Sahara et du Sahel, d’abord avec des dromadaires puis, modernité aidant, avec des colonnes de pick-up 4×4 montés de mitrailleuses ou de batteries anti-aériennes.
Fort de ses pétro dollars, le Tchad a considérablement modernisé et renforcé son arsenal miliaire ces dernières années. Et les stratèges de son armée – président en tête – ont revisité la tactique du rezzou.
Les pick-up sont toujours là. Mais les colonnes, toujours aussi mobiles, dont désormais dotées de blindés lourds, de lance-roquettes multiples et bénéficient d’un appui aérien, ce qui leur confère une puissance de feu dévastatrice.
L’extrême violence des bombardements qui ont précédé mardi l’entrée en force des Tchadiens dans la ville nigériane de Gamboru -totalement dévastée comme l’a constaté un journaliste de l’AFP – en témoigne.
Dès le lendemain lors d’une sanglante contre-attaque sur la ville camerounaise voisine, les islamistes de Boko Haram ont montré que eux aussi maîtrisent le rezzou, avec leur moyen de déplacement favori, la moto. Mais au prix de pertes considérables.
Les Tchadiens ont eu 26 soldats tués en une semaine. Boko Haram plusieurs centaines, selon des bilans partiels, de sources tchadienne et camerounaise mais aussi de témoignages d’habitants.
Dès lors dans cette guerre de mouvement, d’embuscades et d’attentats qui s’engage, une question: d’Idriss Deby Itno, le président rompu à la guerre, ou d’Abubakar Shekau, l’énigmatique chef de Boko Haram, quel est le meilleur stratège? Réponse sur le champ de bataille nigérian.
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