Nigeria : les investisseurs immobiliers inquiets de la chute du brut

Grues immobiles, chantiers à l’arrêt, immeubles déserts… Les constructions frénétiques dans la mégapole de Lagos subissent de plein fouet la récession économique qui plombe la croissance du Nigeria et douche l’enthousiasme des investisseurs étrangers.

Des pipelines irriguant du pétrole dans le delta du Niger, en juillet 2007. © JOBARD/SIPA

Des pipelines irriguant du pétrole dans le delta du Niger, en juillet 2007. © JOBARD/SIPA

Publié le 8 janvier 2017 Lecture : 3 minutes.

Même l’emblématique Eko Atlantic city, le plus grand projet immobilier en cours sur le continent africain, semble progresser au ralenti.

Cette ville dans la ville, que l’on imaginait déjà en « Dubaï de l’Afrique » d’ici 15 ou 20 ans, a été construite sur des tonnes de sable draguées au fond de l’océan, à l’époque où le Nigeria était en passe de devenir la première puissance économique d’Afrique et où tous les rêves étaient encore possibles.

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Le chantier titanesque a commencé en 2008. Aujourd’hui, au milieu d’une immense étendue de sable émergent deux premiers gratte-ciels ultra-modernes, tandis qu’apparaissent des routes bordées de jeunes palmiers, des ponts et des lampadaires.

A terme, l’île artificielle s’étendra sur 10 km2 et accueillera près de 500.000 résidents et 300.000 visiteurs journaliers.

« L’activité continue mais cela ne sert à rien d’aller trop vite, dans le contexte de ralentissement général », concède à l’AFP Pierre Edde, directeur du développement à South Energyx, filiale du groupe Chagoury, à l’origine de ce projet de plusieurs dizaines de milliards de dollars.

Les travaux d?infrastructure de la première phase s?achèveront dans quelques mois et la construction de la digue de protection et les dragages pour la deuxième phase continuent à progresser.

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Toutefois, « les investisseurs attendent des signaux positifs pour se lancer » dans la construction des immeubles, poursuit M. Edde, affirmant que 80 à 85% des parcelles mises en vente ont déjà été attribuées.

La chute des cours du pétrole et les attaques rebelles incessantes sur les sites pétroliers dans le sud du pays ont durement impacté l’économie du géant ouest-africain en 2016, la monnaie nationale ne cessant de dégringoler face au dollar.

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Le pays, qui tire 75% de ses revenus du pétrole, souffre d’une importante pénurie de devises étrangères.

« A l’heure actuelle, la plus grande contrainte pour les entreprises opérant au Nigeria est sans doute l’incapacité d’accéder à des devises étrangères, notamment pour l’importation de biens » comme les matériaux de construction, écrit Roddy Barclay, analyste du cabinet de conseil en stratégie Africa Practice dans un rapport de novembre.

– ‘A LOUER’ –

Difficile d’en mesurer précisément les conséquences, en l’absence de statistiques officielles. Mais Dapo Abe, qui dirige un cabinet de conseil en ingénierie à Lagos, estime que 60% des grands projets de construction – publics et privés confondus – sont à l’arrêt dans la capitale économique.

« Plus aucune banque ne veut prêter de l’argent: les revenus des loyers ne permettent plus de rembourser les coûts de construction et il n’y a aucun retour sur investissement », se lamente l’ingénieur.

Ironie de l’histoire: bureaux et appartements peinent à trouver preneurs dans les quartiers cossus de Lagos, alors que le pays de 180 millions d’habitants fait face à une grave pénurie de logements – environ 16 millions selon la banque nigériane Federal Mortgage Bank.

Ces dernières années, la croissante vertigineuse du Nigeria avait donné des ailes aux promoteurs immobiliers. Riches Nigérians et expatriés ont ainsi afflué sur les îles de Victoria et Ikoyi, à l’écart de la grande majorité des Lagosiens qui s’entasse sur la partie continentale de la ville, souvent dans des bidonvilles crasseux.

Désormais, les panneaux « TO LET (à louer) » inscrits en lettres rouges racoleuses essaiment sur les murs d’immeubles flambant neufs.

« Les entreprises ont réduit leurs activités et beaucoup d’expatriés sont partis », constate Ade Kunle, agent immobilier.

Aucune embellie ne semble pointer à l’horizon : « le secteur bancaire nigérian restera sous pression en 2017 et, par conséquent, cherchera à limiter les prêts à risque plus élevé comme celui des projets de construction », estime Richard Marshall, de BMI Research, société d’études de marché.

Selon M. Marshall, il est peu probable que l’économie nigériane aiguise beaucoup « l’appétit » des investisseurs étrangers d’ici « les deux prochaines années ».

A Eko Atlantic, on veut toutefois rester optimiste. « Le potentiel reste immense: en 2050, ce sera le 3e pays le plus peuplé au monde, devant les Etats-Unis! », rappelle Pierre Edde. « Malgré la crise il y a encore énormément d’argent… Le Nigeria est le pays des miracles ».

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