Kenya: des familles déplacées par les violences de fin 2007, apeurées et abandonnées

Dans des campements de fortune, sur des lopins balayés par le vent qui lève une poussière tenace, plus d’une centaine de familles, chassées de chez elles par les tueries sur lesquelles avait débouché le scrutin présidentiel kényan fin 2007, attendent toujours d’être relogées.

Kenya: des familles déplacées par les violences de fin 2007, apeurées et abandonnées © AFP

Kenya: des familles déplacées par les violences de fin 2007, apeurées et abandonnées © AFP

Publié le 26 février 2013 Lecture : 3 minutes.

A l’approche des nouvelles élections générales, le 4 mars, le sentiment d’abandon se mêle à la peur de nouvelles violences, chez ces déplacés campant autour de la ville de Nakuru, dans l’ouest du Kenya, car exclus du processus controversé de réinstallation et de dédommagement mis en place en 2008 par le gouvernement.

Un processus « manquant de transparence », dont les mesures « ont souvent été erratiques, malavisées et parfois gangrenées par des accusations de corruption », estimait mi-janvier l’International Crisis Group (ICG).

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Au camp « autogéré » de Kihoto – « Justice » en langue locale kikuyu -, installé sur un lopin sec et désolé, s’entassent, depuis 2008, 108 familles, non enregistrées en tant que déplacés dans les délais fixés en 2008 par les autorités.

« Même si nous étions en retard, nous sommes quand même des déplacés », s’insurge Jeffrey Morua, 41 ans, le chef de la petite communauté qui, faute de pouvoir s’installer dans les camps « officiels », a mis en commun le peu d’argent dont chacun disposait pour acheter ce bout de terre: à peine plus de 0,2 hectare pour 100. 000 shillings (environ 800 euros).

Chaque famille dispose de 2,70m sur 1,80m pour installer une structure de branchage supportant un toit de bâches et plastiques divers.

« Nous voudrions être relogés, ce n’est pas assez grand pour construire des maisons décentes » et personne n’a l’argent nécessaire pour les matériaux, explique Jeffrey Morua, qui vit avec sa femme.

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S’ajoutent le manque d’eau – que les déplacés achètent 10 shillings le jerrycan de 20 litres – ou l’école éloignée et surpeuplée. Quelques déplacés travaillent parfois à la journée pour 100 shillings dans des fermes alentours.

Pour se nourrir, ils font pousser quelques légumes sur des lopins voisins inoccupés, propriétés de riches hommes d’affaires de la région de Nairobi.

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« Nous voulons que le gouvernement nous reconnaisse en tant que déplacés, qu’il nous trouve un endroit où vivre et nous donne les 35. 000 shillings auxquels les autres (déplacés) ont eu droit », explique Teresa Wanja, 56 ans, appuyée sur un long bâton pour béquille.

Piétinée durant les violences post-électorales, « ma jambe est depuis paralysée et je n’ai pas accès à des soins », dit-elle, livrée à elle-même. Son mari vit en ville, son fils a perdu un oeil lors des violences et habite chez sa soeur. Son autre fille est morte en 2008, traumatisée, selon Teresa, d’avoir vu ses voisins poussés dans leur maison en flammes et brûlés vifs.

Le gouvernement kényan estime que seules quelque 700 familles restent à reloger. Mais selon Human Rights Watch (HRW), plus de 300. 000 déplacés – sur les plus de 600. 000 que les ONG estiment avoir été chassés par les violences post-électorales – ne sont pas enregistrés et n’ont reçu aucune aide.

Près de Kihoto, les quelque 250 habitants de Vumilia (« persévérance » en swahili), attendent eux aussi toujours, sur un peu moins d’un hectare de terre acheté en commun, d’être reconnus et relogés.

Un peu plus loin, les 240 pensionnaires du camp – officiel – d’Eben-Ezer, ont quasiment tous été relogés. Ne restent que 17 familles qui, malgré de dures conditions de vie, refusent de bouger et réclament une compensation financière plutôt qu’une terre inconnue.

« Nous voulons que le gouvernement nous permette de nous installer ici. Ma famille a été suffisamment trimballée », explique Elizabeth Wacu dans l’obscurité étouffante de sa hutte de fortune, qu’elle habite avec ses cinq enfants de deux à 16 ans, depuis qu’un tirage au sort défavorable l’a privée d’une des maisons en dur construites en nombre insuffisant par une ONG.

Les déplacés réinstallés, dit-elle, se heurtent à d’innombrables difficultés, manque de travail ou hostilité des autochtones.

Ni Jeffrey, ni Teresa, ni Elisabeth n’envisagent de retourner un jour chez eux, définitivement traumatisés par l’étendue des violences et à l’idée de retourner vivre à côté de leurs agresseurs.

« Je les connais, certains étaient mes voisins, mes amis. Si je rentre, je vais devoir vivre avec ces gens », explique Jeffrey, qui avait déjà fui des violences électorales en 1992 et 1997, mais avait pu alors retourner chez lui.

Elizabeth refuse de retourner chez elle, « à cause de toutes les choses odieuses qu'(elle a) vues ».

« Je peux vous montrer qui a attaqué ma maison. Ils sont encore là-bas (. . . ) nous savons de qui il s’agit », ajoute-t-elle, soulignant que personne n’est jamais venu recueillir son témoignage et doutant qu’un jour justice lui sera rendue.

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