Au Nigeria, le secteur aérien est dans la tourmente

Le Nigeria se rêvait en hub régional, mais rien ne va plus pour le secteur plombé par la récession et une gestion catastrophique. Les vols sont sans cesse retardés voire annulés, les compagnies suspendent leurs opérations, et les infrastructures deviennent dangereuses.

Des avions sur le tarmac de l’aéroport Murtala Mohammed à Lagos, le 23 octobre 2005 au Nigeria. © AFP/PIUS UTOMI EKPEI

Des avions sur le tarmac de l’aéroport Murtala Mohammed à Lagos, le 23 octobre 2005 au Nigeria. © AFP/PIUS UTOMI EKPEI

Publié le 21 janvier 2017 Lecture : 3 minutes.

Début janvier, une vidéo a fait le buzz sur la toile: on y voit un employé de la compagnie Arik Air, à terre, se faire tabasser par des passagers ulcérés après la troisième annulation consécutive de leur vol. L’occasion, pour les internautes nigérians, de déverser des commentaires injurieux à l’encontre de la compagnie.

Arik Air, compagnie privée qui assure 60% des vols intérieurs, est devenue le symbole de cette crise et des angoisses qu’elle suscite.

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Juste avant Noël, son personnel s’est mis en grève pour réclamer des salaires impayés depuis sept mois. Sollicitée à plusieurs reprises, la compagnie n’a pas donné suite aux demandes d’interviews de l’AFP.

D’autres compagnies locales privées sont en sursis. Aero Contractors, deuxième transporteur du pays, a suspendu ses activités pendant quatre mois fin 2016, reconnaissant de « graves difficultés » financières. Le syndrome n’est pas nouveau: en 35 ans, plus de 40 d’entre elles se sont effondrées.

Au Nigeria, pays de 193 millions d’habitants, la situation inquiète. La capitale économique Lagos se trouve à près de 1.600 km de la grande ville du nord-est Maiduguri, et à 500 km d’Abuja, la capitale fédérale, par des routes très mauvaises et peu sûres.

La situation pourrait largement empirer dans les prochaines semaines, après l’annonce par le gouvernement de la fermeture totale de l’aéroport d’Abuja pendant six semaines pour rénovation.

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De l’aveu même du secrétaire d’Etat à l’Aviation, Hadi Sirika, la piste construite en 1982 et prévue pour une durée de vie de 20 ans, est aujourd’hui « défaillante » et « dangereuse ».

Les passagers à destination d’Abuja atterriront donc à Kaduna, à 200 km plus au nord, une distance qu’ils devront ensuite parcourir en autocar, dans une région où les kidnappings sont fréquents.

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Cette mesure exceptionnelle coûtera cher au pays, mais aussi aux compagnies aériennes, déjà dans une situation particulièrement difficile.

« Etat d’urgence »

Les compagnies sont très endettées, assure John Ojikutu, consultant en sécurité aérienne. « Elles ne payent plus leurs fournisseurs de carburant, ni leur personnel, ni les services qui leur sont fournis (maintenance, assurances…) », constate l’expert qui les accuse de gérer leurs affaires « comme des épiceries ».

« S’ils ne font pas de profit, la question est de savoir ce qu’ils font avec l’argent des billets d’avion qu’ils vendent tous les jours! Tant que nous n’aurons pas une agence de régulation forte, crédible et indépendante, nous ne pourrons pas avoir un secteur aérien viable dans ce pays », assène-t-il.

Les transporteurs invoquent la pénurie de devises qui empêcherait le pays de s’approvisionner en carburant, pour expliquer les retards.

Le Nigeria a les plus grandes ressources de pétrole en Afrique, mais dispose de capacités de raffinage très limitées et doit importer une grande partie de son carburant.

Or, le prix du baril a chuté, le naira a dégringolé face au dollar et les banques nigérianes n’ont plus assez de devises.

Des compagnies aériennes étrangères comme United Airlines et Iberia ont d’ailleurs arrêté de desservir le Nigeria, n’arrivant plus à rapatrier leurs profits en dollars.

En septembre 2016, la Chambre des représentants a demandé au gouvernement fédéral de déclarer « l’état d’urgence » dans l’aviation dont les 160.000 emplois étaient menacés. En vain.

Les députés réclament aussi une enquête sur le détournement supposé de 120 milliards de nairas (357 millions d’euros) de fonds publics injectés par la précédente administration (2012) pour moderniser le secteur.

Il y a deux ans, l’Etat nigérian est entré dans les conseils d’administration de plusieurs transporteurs, dont Arik Air et Aero Contractors, à travers sa société de gestion des actifs chargée du recouvrement des dettes AMCON (Asset Management Corporation of Nigeria).

Mais selon M. Ojikutu, aucun audit sérieux n’a été réalisé pour évaluer la situation financière réelle des compagnies.

« Les bailleurs de fonds et les banques ont peut-être été trop laxistes en accordant des crédits qui ont permis aux compagnies une expansion excessive », estime le Dr Joachim Vermooten, de l’université de Johannesburg.

Selon M. Vermooten, les banques savaient que « le gouvernement (ou l’AMCON) prendrait des mesures pour les protéger ». Mais maintenant que la crise économique a asséché les caisses de l’Etat, les compagnies aériennes doivent affronter seules les turbulences.

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