Enfants soldats: le Mali face à un phénomène inédit dans son histoire, selon l’Unicef
Des centaines d’enfants ont été enrôlés par les groupes ayant occupé en 2012 le Nord malien, une première dans ce pays où une intervention militaire est en cours, a affirmé la représentante de l’Unicef au Mali, Françoise Ackermans, dans un entretien à l’AFP à Dakar.
Elle n’a pas pas souhaité identifier les groupes armés utilisant ou ayant utilisé des mineurs dans leurs rangs.
Le Mali est plongé dans une crise politico-militaire provoquée en janvier 2012 par une offensive de la rébellion touareg du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), alors alliée aux groupes islamistes Ansar Dine (Défenseurs de l’islam), Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).
Q: Ces derniers temps, on a évoqué la présence d’enfants combattants dans les rangs des groupes armés au Mali. Qu’en est-il?
R: « C’est quelque chose qui a eu lieu dans d’autres pays mais qui n’a pas de précédent au Mali. Aujourd’hui, on a la certitude qu’il y a des centaines d’enfants qui sont enrôlés dans des groupes armés. (. . . ) Les petites filles – on n’en parle pas beaucoup, il y en a généralement très peu – vous pouvez imaginer à quoi elles servent: elles vont peut-être faire la cuisine, mais elles vont faire beaucoup d’autres choses. Peu importe le groupe, quand il y a des enfants, il faut leur venir en aide ».
Q: Comment?
R: « L’identification de ces enfants qui sont enrôlés, c’est très complexe. Une fois qu’ils sont identifiés, les faire sortir du groupe est aussi extrêmement difficile, parce que l’enfant apprend des choses qu’il ne devrait pas savoir: on va lui donner une arme, lui expliquer comment tuer (. . . ). Il faut le protéger immédiatement, retrouver sa famille, pour donner à cet enfant une possibilité de réinsérer un système normal. Il faut faire en sorte que ces enfants ne restent pas longtemps dans un groupe armé ».
Q: Il y a déjà eu des cas d’enfants retirés des groupes armés au Mali?
R: « Il n’y a (même) pas trois-quatre jours, un enfant, identifié, est sorti d’un groupe. Aujourd’hui, il est protégé, on a retrouvé sa famille mais il ne dort plus. C’est un enfant de 16 ans qui a abandonné l’école il y a quelques mois. Il a cherché un petit travail et, de fil en aiguille, s’est retrouvé enrôlé, dans une situation qu’il n’a pas voulue ».
Q: Combien d’enfants ont été « sortis » des groupes armés ?
R: « Aujourd’hui, c’est au compte-gouttes qu’ils sortent de ces groupes armés. Pour le moment, on parle de quelques enfants. Dans les régions de Mopti (centre) et Ségou (ouest), il y a des centres de transit qui sont en train de se mettre sur place, avec l’Etat, qui permettront de rassembler ces enfants une fois qu’ils auront été identifiés et de pouvoir leur offrir d’abord les premiers gestes de protection. On doit être prêt à prendre en charge beaucoup d’enfants. (. . . ) Au Mali, on doit se battre sur tout. Et aujourd’hui, on rajoute encore des problématiques (dans ce pays où) les structures en charge de la protection de l’enfant n’ont jamais eu, ou pu, bénéficier de beaucoup de financements avant la crise. (. . . ) La crise du Nord a un impact sur les enfants dans le Nord mais aussi dans le reste du pays, parce qu’aujourd’hui, la situation dans tout le Mali est une situation difficile pour les familles. (. . . ) On s’attend à avoir 650. 000 enfants qui souffrent de malnutrition dans tout le pays, dont 210. 000 de malnutrition aiguë sévère ».
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