Fotokol, cité camerounaise devenue tête de pont tchadienne contre Boko Haram
Jadis carrefour commercial sur la frontière avec le Nigeria, Fotokol, ville de l’extrême-nord du Cameroun, vit au rythme des militaires camerounais et surtout tchadiens qui l’ont investie la semaine dernière, et se préparent à une vaste offensive contre le groupe islamiste Boko Haram.
Chars et autres engins blindés sont positionnés un peu partout dans la localité de 18. 000 habitants.
Un contingent de 2. 000 soldats tchadiens s’est installé dans et autour de la ville, alors que le Bataillon d’intervention rapide (BIR), unité d’élite de l’armée camerounaise, a pris position près du pont de 500 mètres de long qui relie Fotokol à la ville nigériane de Gamboru, de l’autre côté de la rivière Al-Beid.
Gamboru est aux mains de Boko Haram, et plus personne ne circule sur le pont depuis longtemps, devenu un no man’s land entre les belligérants. La rivière fait office de frontière, aisément franchissable actuellement et en dehors des périodes de crue.
Les soldats camerounais sont là pour tenter d’empêcher toute incursion des islamistes, qui ont multiplié ces deniers mois les raids meurtriers en territoire camerounais.
La semaine dernière, plusieurs roquettes, tirées par Boko Haram, sont tombées sur la ville. Jeudi et vendredi, des combats avaient opposé les soldats tchadiens aux islamistes à Fotokol et dans ses environs. Le bilan de ces combats est de quatre morts et 12 blessés au sein de l’armée tchadienne et de 123 islamistes tués, selon une source militaire précisant que les militaires avaient été tués « par des engins explosifs de fabrication artisanale » posés dans le secteur par Boko Haram.
Samedi et dimanche, des hélicoptères et des chasseurs tchadiens ont bombardé Gamboru.
En ville, les éléments de la BIR patrouillent à pied, armes en bandoulière.
« Nous voyons de plus en plus de troupes arriver à Fotokol. Elles augmentent tous les jours », raconte un habitant, Aisami Bukar.
« La présence des forces tchadiennes et camerounaise dans la ville nous rassure et nous donne l’espoir de vivre » explique lundi Idrissou, réparateur des motos.
Les habitants attendent l’intervention tchadienne contre Boko Haram, avec l’espoir que l’activité économique reprendra par la suite.
Pour le moment, Fotokol se meurt à petit feu. « Ici rien ne marche, puisque nos activités dépendent du Nigeria, et depuis bientôt deux ans (et l?émergence de Boko Haram) rien n’arrive » de là-bas, explique Al Hadj Mboudou. Désormais « même les produits de première nécessité nous viennent » du Tchad via Kousseri, ville camerounaise à la frontière tchadienne, précise ce commerçant.
Auparavant, camions de marchandises et commerçants transitaient entre le Nigeria, le Cameroun et le Tchad en empruntant le pont de Fotokol, et toute la cité en bénéficiait.
– Ecoles occupées par des réfugiés –
Les fonctionnaires ont aujourd’hui déserté la ville, et l’administration est inexistante, seul le sous-préfet restant en poste. Les écoles sont fermées et beaucoup d’établissements scolaires sont désormais occupés par des réfugiés, dont de nombreux enfants et femmes venus du Nigeria, fuyant les violences de Boko Haram.
« Ces réfugiés ne bénéficient d’aucun soutien des organisations humanitaires. Ils bénéficient de la solidarité de la population locale », assure Alifa, enseignant a Fotokol.
« Nous tenons le coup grâce à la générosité des uns et des autres. Mais pour combien de temps allons-nous être assistés? », s’interroge Halimata, mère de quatre enfants dont elle est sans nouvelles et ignore le sort.
L’activité commerciale est au point mort et tous les gros camions sont sur cales ou garés en attendant une hypothétique reprise de l’activité.
« Nous utilisons pour notre propre consommation ce qui nous reste comme stock de marchandises », confie un boutiquier.
Cette paralysie de l’activité touche aussi Tchad, le coupant de l’un de ses principaux axes d’approvisionnement. C’est d’ailleurs en partie ce qui a motivé l?intervention de N’Djamena qui estime que Boko Haram a mis en péril « ses intérêts vitaux ».
Dans les quartiers de Fotokol, les habitants dés?uvrés se retrouvent par petit groupes sous l’ombre des margousiers, arbre au large feuillage et à l’ombrage fort apprécié dans cette région accablée de chaleur. Principale sujet de discussion: Boko Haram et la situation militaire.
Au Nigeria, la montée en puissance de Boko Haram, dont l’insurrection et sa répression par l’armée ont fait plus de 13. 000 morts depuis 2009, s’est encore manifestée le 25 janvier avec la prise de la localité de Monguno et une offensive sur Maiduguri, capitale régionale du nord-est.
« La situation nous préoccupe, parce que nous ne savons pas quand tout cela prendra fin, se lamente Al Hadj Nassir, chef de quartier. Nous sommes fatigués ».
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