Sahel: la vidéo du frère d’un otage d’Aqmi loin de faire l’unanimité
Familles d’otages divisées, ex-otage sceptique, spécialistes du terrorisme « atterrés »: la démarche rarissime du frère de l’un des six otages d’Aqmi au Sahel de s’adresser directement aux ravisseurs et d’interpeller les autorités françaises est loin de faire l’unanimité.
Dès l’annonce samedi soir de l’envoi d’une vidéo aux ravisseurs par le frère de Pierre Legrand, l’un des six otages, pour les interpeller sur le blocage des négociations, les proches des otages sont vite apparus divisés à l’égard de cette initiative.
Cet appel direct aux ravisseurs traduit l’ »exaspération » des familles privées d’information, a commenté Frédéric Cauhapé, beau-frère de Marc Féret. « C’est une démarche commune des proches des employés de la Satom » (sous-traitant du groupe nucléaire Areva), a-t-il déclaré. « Cela fait 27 mois et on n’a pas de nouvelles. Cette démarche traduit notre exaspération devant le manque d’information. On s’adresse à la source. «
Si, selon la famille Legrand, les proches de Thierry Dol se sont associés à cet appel vidéo, l’ex-otage Françoise Larribe, épouse d’un des Français toujours retenus au Sahel, s’y est dite « formellement opposée ».
L’appel a « surpris » les proches des deux otages d’Aqmi enlevés en novembre 2011 au Mali, Serge Lazarevic et Philippe Verdon.
Jean-Pierre Verdon, le père de Philippe Verdon, a relevé que les proches des six otages s’étaient retrouvés vendredi pour une conférence de presse à Paris, en présence de proches de Pierre Legrand, pour presser François Hollande d’agir, mais qu’il n’avait pas été question de cet appel video.
« Quel but? »
Pascal Lupart, président du comité de soutien à Philippe Verdon et Serge Lazarevic, s’est interrogé: « Dans quel but cela est-il fait? Si on a quelqu’un à interpeller, je ne pense pas que ce soient les ravisseurs. «
« Vu la situation et le projet d’intervention au Mali, les otages restent des boucliers. Nous voulons des actes et nous n’avons pas besoin de l’empathie du président de la République. Il a tous les outils en main pour faire débloquer la situation », a-t-il estimé.
Jean-Louis Normandin, otage durant deux ans au Liban dans les années 1980 et président de l’association Otages du monde, estime que « c’est aux familles de décider de leurs actions et nous n’avons pas à les commenter ». Mais « je ne l’aurais pas fait », a-t-il pourtant dit à l’AFP.
Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), s’est déclaré « atterré » par l’initiative « contre-productive » de Clément Legrand. Celle-ci, selon ce spécialiste du terrorisme, « fait le jeu des terroristes en leur donnant des moyens de pression supplémentaires sur les autorités françaises ».
Cette initiative, a-t-il assuré à l’AFP, « ne fera pas avancer d’un iota la négociation, complique la situation des otages et constitue un camouflet pour les gens (la DSGE, chargée des négociations, ndlr) qui travaillent 24 heures sur 24 pour faire libérer les otages ».
Cet avis est partagé par un spécialiste des prises d’otages, qui a participé à plusieurs négociations longues et délicates. S’exprimant sous le couvert de l’anonymat, il a affirmé que cette démarche « est une fausse bonne idée qui va créer un dysfonctionnement dans les négociations et constitue un atout pour les terroristes car ils vont avoir barre sur les familles ». « Les négociateurs risquent de perdre le contrôle de la négociation », a-t-il conclu.
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