En Zambie, l’inquiétante dérive du président Lungu

Souvent louée pour son calme et sa stabilité politiques, la Zambie est secouée depuis plusieurs semaines par de vives tensions entre le président Edgar Lungu et le principal parti d’opposition, qui dénonce une dérive dictatoriale du régime.

Le président zambien Edgar Lungu à l’Élysée le 8 février 2016. © Philippe Wojazer/AP/SIPA

Le président zambien Edgar Lungu à l’Élysée le 8 février 2016. © Philippe Wojazer/AP/SIPA

Publié le 17 juin 2017 Lecture : 3 minutes.

A l’origine de ce climat délétère, il y a l’incarcération de l’adversaire numéro 1 du chef de l’Etat, Hakainde Hichilema, qui refuse toujours de concéder sa courte défaite face à M. Lungu lors de la présidentielle d’août dernier.

Ancien homme d’affaires reconverti dans la politique, M. Hichilema a été arrêté manu militari à son domicile en avril, initialement pour avoir tenté de bloquer le convoi présidentiel.

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L’accusation a d’abord fait sourire, jusqu’à ce que le patron du Parti uni pour le développement national (UNPD) soit finalement inculpé de trahison, un crime qui exclut sa remise en détention et peut lui valoir jusqu’à la peine de mort.

Les critiques d’Edgar Lungu crient depuis au scandale et dénoncent un règlement de comptes politique.

« La Zambie peut désormais être qualifiée de dictature », ont déploré vendredi les chefs religieux du pays dans une déclaration aussi musclée qu’inhabituelle.

Avant eux, Amnesty International a dénoncé par la voix de son responsable régional Deprose Muchena une « persécution » destinée à « harceler, intimider et dissuader » M. Hichilema.

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« L’arrestation d’Hakainde a d’abord été considérée comme une mesure d’intimidation du président Lungu mais la colère causée par sa détention monte », insiste auprès de l’AFP l’archevêque de Lusaka, Mgr Telesphore Mpundu.

« Comme un rat »

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Dès la campagne électorale de l’an dernier, le pays avait été le théâtre de violences inédites entre les partisans du Front patriotique (PF) de M. Lungu et ceux de l’UPND.

Edgar Lungu avait alors menacé de prendre des « mesures draconiennes » et à « sacrifier la démocratie » pour assurer la paix.

Très agacés par le refus de M. Hichilema de reconnaître leur légitimité, le chef de l’Etat et ses proches l’ont mis à plusieurs reprises publiquement en garde.

« Il doit savoir que nous le traiterons comme un rat que l’on veut attraper », avait menacé avant son arrestation le secrétaire général adjoint du PF, Mumbi Phiri.

Quelques jours plus tard, le régime est passé à l’action. Et mardi dernier, il a franchi un nouveau pas en faisant suspendre pour un mois une cinquantaine de députés de l’UPND qui avaient osé bouder un discours présidentiel devant le Parlement.

« L’opposition ne veut pas travailler avec ce gouvernement. Ce n’est pas de la critique constructive », justifie Alex N’goma, analyste politique à l’université de Zambie.

« Il faut voir ça (…) dans un contexte bien plus large », s’inquiète toutefois un de ses collègues, l’analyste politique Sishuwa Sishuwa.

« C’est un contexte où la presse indépendante a été muselée, où les acteurs non-étatiques comme les syndicats ou les organisations religieuses ont été réduits au silence et la liberté de parole de fait supprimée », poursuit-il sans détour.

« Pays souverain »

Les tensions qui agitent la Zambie ont débordé sur la scène internationale le mois dernier, lorsque les autorités de Lusaka n’ont pas hésité à interdire d’entrée sur leur territoire le chef de l’opposition sud-africaine Mmusi Maimane.

Cette décision « montre le mépris du gouvernement zambien pour l’Etat de droit », tranche M. Sishuwa.

Le pouvoir a immédiatement réagi pour justifier sa mesure et dément catégoriquement toute dérive.

« Qui dit que le pays est en train de basculer vers la dictature ? Nous sommes un pays démocratique dont les institutions fonctionnent sans la moindre interférence », assure la porte-parole de la présidence, Mulenga Kampamda.

« Il voulait venir pour faire pression sur notre justice », clame-t-elle à propos de M. Maimane. « Nous avons parfaitement le droit de l’en empêcher (…) nous sommes un pays souverain ».

Invité vendredi à l’investiture du Premier ministre du Lesotho Thomas Thabane, le président Lungu a balayé les critiques. « Quelle crise ? Il n’y a pas de crise. Elle n’existe que dans leurs têtes », a-t-il raillé.

Pour l’heure, le numéro 1 zambien ne semble pas près de relâcher la pression sur M. Hichilema.

La semaine dernière, le chef de l’opposition a été transféré dans la prison de haute sécurité de Kabwe, à 150 km au nord de Lusaka. Sûrement pour de longues semaines, car la date de son procès n’a toujours pas été fixée.

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