Gabon : enquête judiciaire après l’assaut de plusieurs médias
La justice gabonaise a ouvert une enquête après l’intrusion vendredi dans plusieurs médias à Libreville d’hommes armés exigeant la diffusion d’un appel d’un opposant fixant un ultimatum au président Ali Bongo Ondimba, avant la venue mardi d’une mission de la Cour pénale internationale (CPI).
« Ce vendredi, plusieurs rédactions de médias publics et privés de Libreville ont été prises d’assaut, de manière synchronisée, par des groupes d’individus armés et encagoulés dans le but de diffuser un message audio et vidéo incitant le peuple gabonais à la révolte », a rappelé le procureur de la République, Steeve Ndong Essame Ndong, dans un communiqué publié samedi par le quotidien national L’Union.
Face à ces « déclarations d’une extrême gravité », le procureur a décidé d’ »ouvrir immédiatement une enquête judiciaire ».
Les propos en cause ont été prononcés par Roland Désiré Aba’a Minko, rallié à Jean Ping, le rival d’Ali Bongo lors de la présidentielle contestée de 2016. Le camp de M. Ping a dénoncé « la confusion » créée par les agissements de M. Aba’a Minko.
Interpellé par la police après avoir enjoint le chef de l’Etat de quitter le pouvoir dans les 72 heures, M. Aba’a Minko avait déclaré « avoir miné tous les bâtiments administratifs et ministériels » et menacé de les faire exploser, dans un discours prononcé sur la voie publique à Libreville devant le mémorial Léon Mba, premier président du Gabon.
Dans le même temps, des hommes non identifiés et équipés d’armes blanches se sont introduits vendredi matin dans les locaux de plusieurs médias dont la chaîne d’Etat Gabon Télévisions, pour tenter de diffuser un message audio se réclamant de M. Aba’a Minko.
Le directeur général de Gabon Télévisions a porté plainte. Le message n’a pas été diffusé sur cette chaîne nationale mais l’a été sur des petites chaînes privées comme TV+.
« Incident sécuritaire »
A la délégation de l’Union européenne, « un incident sécuritaire » a également eu lieu, a confirmé samedi représentation diplomatique dans un communiqué, « du fait de l’intrusion d’un individu proférant des menaces dans les locaux ».
« Cet incident a été rapidement résolu avec l’aide de la police locale qui a procédé à son évacuation dans le calme », ajoute le texte.
Vendredi, le ministre de la communication, Alain-Claude Bilie-By-Nze, avait indiqué à l’AFP que M. Aba’a Minko avait été interpellé « au siège de la Commission européenne (à Libreville) à la demande » de l’UE.
Le siège du principal parti d’opposition a par ailleurs été attaqué dans la nuit de mercredi à jeudi par « des individus non identifiés qui ont jeté deux cocktails molotov sur le bâtiment », selon l’entourage de Jean Ping, qui conteste toujours la réélection de M. Bongo.
« Nous avons porté plainte », a indiqué à l’AFP son porte-parole, Jean-Gaspard Ntoutoume Ayi.
Cette série d’incidents, qui n’ont fait aucune victime, intervient à quelques jours de l’arrivée, mardi, d’une mission de la CPI dans le cadre de l’examen préliminaire des plaintes déposées par le gouvernement, le camp de M. Ping et 15 ONG à la suite des violences post-électorales meurtrières de septembre 2016.
« Une équipe du bureau du procureur visitera le Gabon du 20 au 22 juin, une pratique standard de visite du pays dans le cadre de l’examen préliminaire. Aucune enquête n’a été ouverte pour l’instant », a indiqué vendredi le bureau du Procureur de la CPI.
La mission doit rencontrer les acteurs de la crise, différents ministères, la société civile ainsi que les organisations internationales présentes à Libreville.
« C’est une bonne nouvelle pour le Gabon, il faut une reconnaissance des crimes commis, il faut que justice soit rendue », selon Georges Mpaga, coordinateur des ONG de la société civile.
Le ministre des Affaires étrangères, Pacôme Moubelet-Boubeya, a lui salué « une mission utile à un moment où il y a beaucoup d’affabulations sur les événements qui ont suivi les élections ».
Le camp de M. Ping « espère qu’une enquête soit ouverte ».
L’annonce début septembre de la réélection de M. Bongo avait provoqué des violences rares (émeutes, répressions, pillages, incendie de l’Assemblée…) dans ce petit pays pétrolier d’environ 1,8 million d’habitants. Plusieurs personnes avaient été tuées.
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