Madagascar: des villageois fiers d’avoir massacré des voleurs de zébus

Trois fosses communes couvertes de branchages à 20 kilomètres du premier poste de gendarmerie: c’est tout ce qu’il reste à Fenoevo des affrontements d’une violence inouïe entre villageois et voleurs de zébus qui ont fait plus de cent morts dans le sud de Madagascar.

Madagascar: des villageois fiers d’avoir massacré des voleurs de zébus © AFP

Madagascar: des villageois fiers d’avoir massacré des voleurs de zébus © AFP

Publié le 5 septembre 2012 Lecture : 3 minutes.

« On les a encerclés. On a utilisé des lances en fer et des pierres. On savait qu’ils allaient venir alors on s’est organisés », explique Barizon, 21 ans, qui se promène fièrement avec d’autres hommes du village armé de sa hache et de son bâton.

« On a décidé qu’on en avait assez et qu’on allait riposter », raconte Marcelo, 30 ans et propriétaire de cinq zébus, sa seule richesse à Fenoevo, un hameau de cases en terre perché à trois heures de Fort Dauphin, par une piste sinueuse perçant une forêt inextricable, où seul passe un 4×4 mais pas le téléphone portable.

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« Les gendarmes sont loin, à Ramanomafana et il y a déjà eu des problèmes avec eux », ajoute-t-il.

Une façon pudique de dire que dans le passé, les dix gendarmes de Ramanomafana n’étaient pas intervenus pour protéger le village contre les « dahalos », le nom donné aux voleurs de bétail qui sévissent dans le sud-ouest de l’île.

D’ordinaire, avant d’attaquer, les « dahalos » préviennent les villages et les habitants terrorisés s’enfuient.

Mais à Fenoevo et trois autres villages environnants, ils ont décidé de riposter, dans la nuit de vendredi à dimanche, faisant 67 morts selon la gendarmerie, 86 selon les autorités régionales, et même 90 selon les villageois qui affirment qu’ils pourraient même y avoir encore des corps gisants ça et là.

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Enterrés à la hâte, non loin du centre de Fenoevo, 17 corps ont été entassés dans trois fosses à peine décelables sous un amas de branches, a constaté un journaliste l’AFP dans ce village qui craint maintenant les représailles des alliés des voleurs.

Des affrontements d’une violence similaire ont eu lieu dans une autre commune des environs, Emanombo, à 20 km. La découverte mercredi de nouveaux cadavres a porté à au moins 27 le nombre de dahalos tués par des villageois, qui ont entrepris de les incinérer.

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Aucun villageois ne sera inquiété par la justice, a assuré le colonel Thaina Rakotomalala, affirmant qu’il y avait « légitime défense ».

Quand ils ont appris que les « dahalos » allaient attaquer, les villageois ont posté des guetteurs, mis à l’abri femmes et enfants dans la forêt et ont massacré leurs assaillants, ne laissant la vie sauve qu’à une adolescente.

« Il m’avait promis un zébu »

Le vol de zébu est une vieille tradition, un rite de passage pour marquer sa virilité avant le mariage, aujourd’hui dévoyée par des bandes écoulant leur butin grâce à des complicités vers Antananarivo, la capitale, à 1. 000 km de là.

Le trafic prospère dans un pays à la population appauvrie et livrée à elle-même.

Vola Rotsy Benerezy, la jeune fille de 14 ans que les villageois ont épargnée et l’une des rares à pouvoir témoigner côté dahalo, est en détention à la gendarmerie.

Nageant dans une vareuse de soldat trop grande pour elle, portée sur une robe sale verte et blanche, elle est assise par terre, les pieds menottés.

Elle était la compagne d’un des chefs dahalos, Remenabory, tué ainsi qu’un de ses frères à elle qui faisait partie du groupe d’environ 130 voleurs.

Cela faisait un mois qu’elle les suivait, de même qu’une autre fille de 18 ans, qui a également été tuée.

Selon les autorités régionales, les dahalos avaient quelques pistolets mais pas d’armes de guerre, contrairement aux voleurs qui avaient tendu une embuscade mortelle contre des gendarmes en juin.

« Notre boulot comme femmes, c’était de chanter pendant les attaques, pour distraire », dit Vola. Elle n’a jamais été scolarisée, trop âgée quand l’école de son village Elontibey a été construite.

Le chef dahalo lui avait demandé de venir et lui avait promis un zébu. « Il m’a dit de ne pas avoir peur de venir, qu’il me protégerait, mais quand les villageois ont attaqué, il m’a laissé seule », répète-t-elle.

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