Madagascar: les razzias sur le bétail tournent au massacre sans précédent

Le sud de Madagascar, dans l’arrière-pays montagneux de Fort Dauphin, vit depuis longtemps au rythme des razzias de bétail mais la violence endémique suscitée par le trafic de zébus a atteint un niveau jamais vu: plus de 100 morts en quatre jours dont sept mardi.

Madagascar: les razzias sur le bétail tournent au massacre sans précédent © AFP

Madagascar: les razzias sur le bétail tournent au massacre sans précédent © AFP

Publié le 4 septembre 2012 Lecture : 3 minutes.

Simple rite de passage associant le vol de boeufs à un signe de virilité, la tradition des « dahalos » (voleurs de bétail) est sortie depuis les années 1970 de son cadre originel, sous l’effet de l’appauvrissement d’une partie de la population.

Mais depuis le mois de juin, date d’une embuscade mortelle contre des gendarmes, il s’est mué en un cycle de combats livrés parfois à la Kalashnikov.

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Durant le week-end, les éleveurs de quatre villages (Fenoaevo, Enaniliha, Roangafeno, Eniniriny) ont tendu une embuscade et massacré 67 voleurs, selon la gendarmerie.

Le même scénario se serait répété à Emanombo, où 23 dahalos ont été tués, à coup de pierres, sagaies et fusils de chasse.

Les bilans sont impossibles à vérifier, les informations difficiles à recouper dans cette zone d’accès malaisé.

Les forces de l’ordre ont de leur côté perdu trois hommes ailleurs dans le sud dimanche, et trois mardi dans l’ouest, tandis que respectivement six et quatre dahalos étaient abattus.

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Les observateurs sont unanimes pour qualifier la situation de « sans précédent » et constatent que si elle est liée au fléau de la pauvreté, elle témoigne aussi d’un vide politique.

« Après avoir pris connaissance dès mardi dernier de l’imminence de l’attaque des dahalos, les villageois auraient dû faire appel à la protection des forces de l’ordre au lieu d’établir un embuscade pour les tuer », a jugé l’ancien président du Sénat malgache Honoré Rakotomanana.

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Ces actes relèvent du « meurtre avec préméditation », selon cet expert en droit pénal, même « s’il y a lieu de savoir si les fokolona (terme malgache désignant les villageois, ndlr) étaient en légitime défense ou non ».

Même condamnation de la part du juge Arnaud Marius Auguste, président des syndicats de magistrats, qui a parlé d’ »exécutions sommaires ».

« Des enquêtes devraient être menées pour établir la véracité des faits », a-t-il souligné.

Trois méthodes pour vendre les zébus volés

Un ancien ministre de l’Intérieur originaire de cette partie de l’île, Masimana Manantsoa, était lui aussi pessimiste: « Aujourd’hui, par un sentiment d’inexistence d’une autorité légitime, cause de la crise, certains éleveurs se croient au-dessus de la loi et pratiquent sans gêne le malaso » ou banditisme.

« Il y avait des vols tout le temps mais de cette envergure, ça date du début de l’année », affirme aussi Guillaume Venance, chef de la région Anosy (sud-ouest), qui ne se souvient pas avoir vu les voleurs s’abattre « par centaines » sur les villages.

Il y a dix ans pourtant, presque jour pour jour, l’ancien président déchu Marc Ravalomanana lançait une opération coup de poing contre les dahalos, promettant d’en finir avec ces razzias au cours desquelles, déjà à l’époque, des centaines de têtes de bétail étaient volées.

Las. « Les dahalos utilisent trois méthodes pour vendre les zébus volés », explique le colonel Mmeloson Mbina Nonos, commandant de gendarmerie pour la région Anosy. Les boeufs peuvent être regroupés dans un lieu hors de portée des forces de l’ordre, puis des faux papiers élaborés.

Les dahalos peuvent aussi se partager les boeufs, ou les mêler à d’autres zébus dans le parc d’un grand éleveur qui n’est pas un dahalo.

Dans tous les cas, l’art de vendre un zébu volé réside dans la falsification de ses papiers et les nécessaires complicités pour ce faire, dans un pays miné par la corruption.

« Malgré la suspension de l’exportation des zébus malgaches, le phénomène de vol de boeufs continue de s’aggraver », constate la ministre de l’Elevage, Mme Ihanta Andriamandranto, qui affirme que cela « n’alimente en grande partie que le marché intérieur ».

Le trafic est juteux. Le kilo de viande de zébu ne cesse d’augmenter et atteint l’équivalent de 3 euros à Antananarivo, pour un salaire de base mensuel d’environ 30 euros.

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