RDC : une crise humanitaire de grande ampleur menace en 2018
Déplacements records de populations, des centaines de milliers d’enfants en danger de mort, des ONG sous-financées, un État sans moyen… : tous les signaux laissent redouter une crise humanitaire de grande ampleur en République démocratique du Congo (RDC) en 2018.
« La situation en RDC risque d’être ignorée alors qu’elle est en passe de devenir la plus forte urgence en 2018 », a déclaré mardi 12 décembre Mohammed Abdiker, un cadre de l’Office des migrations internationales, de retour d’un voyage dans ce géant d’Afrique centrale, dont l’instabilité menace le cœur du continent.
Vraie catastrophe humanitaire à venir, après le Soudan du Sud, le Yémen et l’exode des Rohingyas, ou stratégie de communication alarmiste des ONG et des agences des Nations unies, fatiguées de dénoncer leur sous-financement ?
Même si l’on ne peut jamais exclure la deuxième réponse, les indices objectifs de crises se sont multipliés tout au long de l’année.
Avec une population chroniquement pauvre, malgré les richesses de son sous-sol si mal partagées, la RDC a été le théâtre d’au moins trois conflits armés depuis quinze mois : recrudescence de l’activité des groupes armés dans les deux Kivus (est), crise du Kasaï (centre) depuis septembre 2016 et conflit entre Bantous et Pygmées dans le Tanganyika (sud-est).
Ces violences ont entraîné en 2016 et 2017 les plus forts déplacements internes de populations au monde, touchant plus de personnes qu’en Syrie, en Irak ou au Yémen, d’après le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) et le Conseil norvégien des réfugiés.
La RDC compterait actuellement quatre millions de déplacés, avec une progression de 1,7 million cette année, d’après ces deux sources. Il ne peut s’agir que d’une évaluation, dans un pays où le nombre exact d’habitants fait l’objet d’une estimation (entre 70 et 90 millions), faute d’un recensement fiable.
Dans ce pays aux neuf frontières, quelques dizaines de milliers de Congolais ont trouvé refuge en Zambie et en Angola, tandis que des Burundais, des Centrafricains et des Sud-Soudanais ont fui en RDC.
Le Kasaï, une région en crise
Dans le Kasaï, même si la situation sécuritaire commence à s’améliorer et que les déplacés, souvent accueillis dans des familles, commencent à rentrer chez eux en raison de la diminution de l’intensité des combats entre forces de sécurité et milices Kamuina Nsapu, la situation sanitaire et alimentaire est, elle, catastrophique.
Au moins 400 000 enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë sévère et pourraient mourir en 2018
La sonnette d’alarme a été tirée par le Fonds des nations pour l’enfance (Unicef), qui a déclaré que « les conditions ne devraient pas s’améliorer avant juin 2018, car les saisons de plantation en 2017 ont été perdues ».
À l’approche des fêtes de Noël et de sa campagne de vente de cartes de voeux en Europe, l’Unicef a lancé mardi un cri d’alarme sur la situation dans cette région où « au moins 400 000 enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë sévère et pourraient mourir en 2018 s’ils ne sont pas assistés par des interventions sanitaires et nutritionnelles ». Pourtant, l’Unicef affirme n’avoir « reçu que 15 % du financement nécessaire pour répondre aux besoins nutritionnels des enfants en 2017 ».
Le Programme alimentaire mondial (PAM) parle également d’urgence avec 250 000 enfants en danger de mort dans les prochains mois dans le Kasaï.
Une classe politique impuissante
Si l’ensemble du pays semble souffrir de malnutrition, l’ONU a néanmoins affirmé dans un communiqué daté du 30 novembre que « chaque année 160 000 enfants en RDC meurent de causes liées à la malnutrition ».
Par rapport à ces chiffres, l’épidémie de choléra passerait presque pour un drame mineur avec tout de même 1 055 décès pour 50 507 cas suspects dans 23 des 26 provinces du pays en 2017, d’après le ministère de la Santé. L’une des plus fortes épidémies de ces dernières années.
Alors que 77 personnes par minute sortent de l’extrême pauvreté en Asie, 3,6 personnes y tombent chaque minute en RDC
Ces crises humanitaires sont aggravées – ou alimentées – par la crise politique à Kinshasa, où les autorités ont repoussé les élections au 23 décembre 2018, braquant l’opposition radicale qui demande le départ du président Joseph Kabila dès la fin de l’année.
Pour faire face à ces crises multiples et préparer les élections, la RDC vient de voter son budget 2018 pour un montant d’environ cinq milliards de dollars. Une somme dérisoire, de plus en baisse par rapport à l’année précédente en raison de la dépréciation du franc congolais.
L’ex-Premier ministre Samy Badibanga a lancé un appel à « une conférence internationale des donateurs » pour le Kasaï, et constaté avec amertume : « Alors que 77 personnes par minute sortent de l’extrême pauvreté en Asie, 3,6 personnes y tombent chaque minute en RDC ».
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