Mineurs sud-africains: un siècle de misère et de souffrances
Comme l’immense majorité des mineurs d’Afrique du Sud, les familles des victimes de la fusillade de Marikana vivent toujours dans des conditions misérables, dix-huit ans après la fin de l’apartheid et l’avènement d’une démocratie porteuse de promesses.
Ian Buhlungu, 47 ans, loue un baraquement de tôle ondulée et de bois dans un bidonville, sur la plaine poussiéreuse qui jouxte la mine de platine exploitée par Lonmin. Il n’a pas l’eau courante et utilise les latrines publiques, une simple fosse.
Comme des milliers de ses collègues mineurs, il vit seul. Loin de sa famille. Son épouse est morte de tuberculose il y a deux ans. Alors leur fille vit maintenant chez une tante et son fils chez une grand-mère, dans la lointaine province du Cap Oriental, à plusieurs centaines de kilomètres de distance, à l’autre bout du pays.
« Je voudrais vivre avec mes enfants, mais c’est impossible », soupire cet homme, qui envoie chaque mois une partie son maigre revenu de mineur, environ 400 euros, pour nourrir la famille. « Mais les gens qui n’ont pas fait d’études ont un salaire de misère, ils peuvent à peine nourrir leur famille », témoigne-t-il.
« On ne peut même pas acheter à manger », renchérit Jack Khoba, 29 ans, l’un des porte-parole des grévistes depuis une semaine. « Les gens qui travaillent à Lonmin ne peuvent pas envoyer leurs enfants à l’école ».
Et cependant, comme Ian Buhlungu et Jack Khoba, ils ont été depuis un siècle et sont encore des dizaines de milliers à migrer d’un bout à l’autre du pays, voire de l’Afrique australe, laissant leurs proches derrière eux, pour aller trouver du travail dans les mines.
Au début du 20e siècle, puis pendant le régime d’apartheid (1948-1994), les blancs au pouvoir obligeaient les travailleurs noirs à vivre dans des zones réservées, les « townships », à distance respectables des grandes villes.
Sans emploi, les habitants de ces ghettos partaient pour essayer de gagner leur vie.
« Peu de choses ont changé », note le sociologue Adam Habib, de l’Université de Johannesbourg, « cent ans après le début de l’exploitation minière dans ce pays, le mode de vie des gens dans les mines est le même qu’au début du 20e siècle ».
Les hommes seuls vivent souvent dans des foyers mis à leur disposition par la société minière.
Nadine Gordimer, le grand écrivain sud-africain prix Nobel 1991, engagée dans la lutte contre l’apartheid, a raconté samedi à l’AFP comment elle avait découvert, horrifiée, les foyers de mineurs à l’époque de l’apartheid.
« Leurs quartiers, les dortoirs, les lits superposés étaient en béton, figurez-vous, l’un au-dessus de l’autre, en béton. . . Et je ne sais pas quelles sont les conditions maintenant. Je suis sûre qu’elles ne sont pas particulièrement confortables! »
De ces camps d’ouvriers, n’ayant parfois aucune langue commune, est née au fil du siècle dernier une culture de la mine: une langue, assemblage d’anglais et de langues africaines, des danses, des rites.
Ceux qui se déplacent avec leur famille sont, en général, contraints de se construire un baraquement de fortune.
A Marikana, ces habitations sont dispersées autour d’une route de terre où errent des chiens efflanqués et quelques chèvres.
« La vie ici n’est pas une vie », se plaint Belinia Mavie, 25 ans, venue du Mozambique pour rejoindre son mari il y a quatre ans. « Nous n’avons pas de toilettes, pas d’eau. . . «
Le « village » est certes alimenté en électricité, mais l’eau n’arrive pas dans les logements. Il faut aller la chercher aux robinets communaux, dans un pays où les quartiers résidentiels des grandes villes du Cap ou de Johannesburg affichent un luxe parfois insolent.
Or, diamant, charbon, platine ont pourtant fait la fortune du pays. Mais le drame de Marikana, où 34 grévistes ont été tués par la police et 78 autres blessés, est douloureusement venu rappeler la dure condition de ceux qui extraient ces richesses.
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