CCTV Africa, une chaîne chinoise à Nairobi pour aider les relations Sino-africaines

En plateau, le présentateur kényan répète l’ouverture de son journal –la situation en Egypte. En régie, défile un compte à rebours: plus que quelques minutes avant qu’il ne soit 20H00 à Nairobi, une heure du matin à Pékin, et que ne démarre le décrochage africain de CCTV News.

CCTV Africa, une chaîne chinoise à Nairobi pour aider les relations Sino-africaines © AFP

CCTV Africa, une chaîne chinoise à Nairobi pour aider les relations Sino-africaines © AFP

Publié le 18 juillet 2012 Lecture : 3 minutes.

Pendant une heure d’ »Africa Live », la chaîne publique chinoise internationale d’infos en continu passe la main à l’équipe de CCTV Africa à Nairobi — une soixante de personnes dont quelque 50 Kényans.

Le programme, diffusé mondialement, passe en heure de pointe sur l’Afrique. Ce soir-là, on parle aussi d’expansion économique au Rwanda et, en dépit de violences chez eux, de la préparation d’athlètes somaliens aux JO.

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« Nous essayons d’équilibrer (notre couverture), nous ne parlons pas seulement de la guerre, des maladies ou de la pauvreté, nous nous concentrons aussi sur le développement économique, » explique Pang Xinhua, directeur de la rédaction, fort d’une implantation de CCTV dans une douzaine d’autres pays d’Afrique.

« Nous avons ouvert ce bureau pour mieux raconter la réelle histoire de l’Afrique, la réelle histoire de la Chine, et des relations sino-africaines », renchérit la chef de CCTV Africa, Song Jianing, reprenant les propos de l’ambassadeur de Chine au lancement du décrochage en janvier.

Mécontentement de la présence chinoise

CCTV Africa était alors le premier bureau régional à produire et diffuser sa propre heure d’information sur CCTV News, même si CCTV America lui a depuis emboîté le pas.

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Pour son inauguration, CCTV Africa s’était payé le luxe d’une intervention du vice-président kényan Kalonzo Musyoka, qui l’avait appelé à « donner une nouvelle image du continent » alors que « l’Afrique est souvent montrée (par les médias internationaux) comme le continent des calamités sans fins ».

CCTV Africa « fait partie d’une stratégie plus large destinées à combattre ce qui peut être perçu comme une relation (sino-africaine) négative, » explique Chris Alden, de la London School of Economics.

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La chaîne ne suffira pas à « éliminer » le « profond mécontentement » que produit parfois la présence de la Chine en Afrique, quand la concurrence de ses sociétés évince notamment des acteurs locaux, mais elle « pourrait atténuer un effet négatif », estime-t-il.

Il s’agit aussi « de mieux faire comprendre l’Afrique aux Chinois », dit-il : l’évacuation l’an dernier de plus de 30. 000 Chinois bloqués par le conflit libyen est de ces événements qui « ont un impact sur les investissements chinois en Afrique. « Pour David Bandurski, du China Media Project à l’université de Hong Kong, CCTV Africa s’intègre dans une stratégie d’expansion d’un « +soft power+ » (puissance d’influence) chinois. Une stratégie apparue en 2007 et que des déboires médiatiques, dont celui du passage de la torche olympique à Paris, ont sans doute renforcée l’année suivante.

Promouvoir l’influence de la Chine

« La Chine a mandaté ses médias étatiques d’une mission pour promouvoir son influence dans le monde, » renchérit Yu-Shan Wu, de l’Institut sud-africain d’affaires internationales, dans une étude sur l’expansion des médias chinois en Afrique.

Cette mission dépasse même l’Afrique et CCTV : le géant de la télévision chinoise diffuse en français, espagnol, arabe, russe et d’autre médias, comme l’agence Chine nouvelle (Xinhua), tissent leur toile mondiale.

CCTV Africa insiste pourtant, elle veut aussi présenter les choses à travers un prisme africain.

« Ce que j’aime, c’est que nous racontons l’histoire avec notre perspective », explique Beatrice Marshall, ex-présentatrice vedette de la chaîne kényane KTN, passée à CCTV Africa.

Pékin les censure-t-il ? « Nous avons la main sur nos sujets, pourvu qu’ils soient objectifs, équilibrés et n’amènent pas de controverses inutiles, » répond son collègue Douglas Okwatch.

« Il y a une chose qu’ils (CCTV) font bien, c’est de fournir une plate-forme aux Africains pour qu’ils donnent leur point de vue, » commente Yu-Shan Wu, tout en se demandant si, à tant vouloir montrer les côtés positifs du lien sino-africain, la chaîne sera crédible.

« L’information doit être soumise à des contrôles politiques, même si ces contrôles ne sont pas nécessairement aussi rigides que ceux imposés aux médias chinois intérieurs, » affirme M. Bandurski. « Et il est très difficile de construire un média international crédible quand vous n’avez pas assez de latitude pour produire une couverture réellement professionnelle ».

« Madame » Song, comme l’appellent ses employés, assure dans un français courant que Pékin n’a jusqu’ici rien refusé. Et CCTV, assise sur un trésor de guerre pour financer son expansion mondiale quand nombre de médias occidentaux luttent contre la crise, vise à « figurer parmi les principaux groupes de médias dans le monde. « 

Quant à CCTV Africa, elle espère lui offrir bientôt une deuxième heure de décrochage.

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