Sur les traces de Remenabila, voleur de zébu et ennemi public n°1 à Madagascar
Dans la brousse de Madagascar, l’insaisissable bandit Remenabila pourrait presque passer pour un héros d’un autre temps. Mais les témoignages recueillis dans son fief décrivent un chef de bande rusé, volant et trafiquant du bétail, tuant s’il le faut et fort de protections magiques.
Au moins 12 militaires et 10 civils ont trouvé la mort dans une embuscade qu’il a tendue aux forces de l’ordre le 9 juin. Depuis, il a été déclaré ennemi public numéro un, et il se terre avec ses hommes dans les zones inaccessibles du sud de la Grande Ile.
Le 26 juin, lorsque les militaires sont entrés dans son village, Iabohazo, il était désert. Tous les habitants avaient disparu. « Je ne crois pas que les villageois avec lui soient ses otages », dit Guillaume Venance Randriatefiarison, le chef de la région Anosy, à l’extrême sud-est du pays. « Lors de l’embuscade, des témoins disent avoir vu Remenabila souffler dans une corne. 500 personnes ont surgi des hameaux alentours, en armes pour lui prêter main forte, dont des femmes ».
Derrière lui, surplombant Fort Dauphin, s’étend la chaîne de montagnes où sont cachés les « Dahalos », les voleurs de zébus.
Tradition villageoise, le vol de zébu, qui était un moyen pour les jeunes gens de prouver leur virilité, a pris la dimension d’un trafic. Plus de 5. 000 têtes de bétail ont été volées à des villageois de la région ces derniers mois. On soupçonne Remenabila de bénéficier de complicités pour exporter le produit de ses vols vers l’Europe.
Un seul chauffeur de taxi accepte de conduire jusqu’à Amboasary, chef-lieu du district où sévissent les « Dahalos ». Les nids de poule dans le goudron font place à la terre battue rouge.
« C’est un fantôme! »
Une place de marché sablonneuse. Le soleil est trop fort, Tolojanahary, 16 ans, préfère parler à l’ombre. Son père, gendarme à Amboasary, a disparu. Il est parti il y a quelques semaines, en mission contre les voleurs de bétail. Elle raconte ce que son père lui a dit.
« Les voleurs arrivent dans un village et emportent des boeufs. Alors les gendarmes arrivent et ils se tirent dessus. Il y en a qui meurent, il y en a qui survivent. Parfois, on peut même récupérer les zébus volés », dit-elle.
« Mais les +malasos+ (autre nom des Dahalos, ndlr) sont imperméables aux balles! Ils ont des amulettes magiques. Pour les tuer, il faut leur tirer dans le dos. De face, c’est impossible, ils ont des grigris », assure-t-elle.
Au-delà d’Amboasary, la piste traverse le coeur aride de la région sud, franchissant des rivières à sec. Cinq heures plus tard, la montagne se resserre comme un fer à cheval autour de la fin de la piste: Esira.
Mêlant cases en bois et bâtiments en dur décrépits, s’étirant le long d’une rue unique, Esira abrite quelques milliers d’habitants, sans électricité, téléphone, ni eau courante.
Esira est le dernier bourg accessible par la route. Pour accéder au village du hors-la-loi Remenabila, Iabohazo, il faudrait continuer à pied, marcher un jour dans la montagne.
« Remenabila c’est pas un homme, c’est un fantôme! », lâche l’éleveur d’Esira Tsizafy, 26 ans, qui affirme avoir vu de ses yeux le hors-la-loi.
Il faisait partie de l’expédition du 9 juin contre le chef des voleurs de zébus. Comme de nombreux villageois, il pensait qu’en accompagnant l’armée il pourrait récupérer la quarantaine de zébus qui lui ont été volés.
Il est parti armé d’une hache. Il est rentré en rampant dans les ronces, alors que sa famille le croyait mort.
« Les balles ne l’atteignent pas »
Lorsqu’il parle, avec ses mains, ses deux bracelets en fer brillent dans la lumière bleue d’une lampe de poche qui éclaire la pièce. Le maire du village et plusieurs anciens, assis, écoutent son récit.
« Quand on lui tire dessus, il agite un chiffon rouge au-dessus de sa tête et crie +rano! rano! De l’eau! De l’eau!+ Et les balles se transforment en eau. Elles ne l’atteignent pas! », dit-il.
« Je n’y retournerai jamais ».
Son regard croise celui de son père, un homme au visage rond, qui prend alors la parole: « Notre maison est à trois kilomètres d’ici. J’ai enterré notre vaisselle et tous les objets de valeur. Je dors dehors, sous les arbres, parce que j’ai peur d’une attaque des Dahalos ».
A l’autre bout de la localité, quelques arbres, où sont accrochés des cornes de zébus, côtoient une antenne satellite en métal brillant. C’est le camp de l’armée. Ces crânes doivent apporter aux soldats la bénédiction des ancêtres.
Selon le général Iavizara, qui commande les troupes qui ont pris Iabohazo, comme pour le chef de la région Anosy, Remenabila alimente un trafic de zébus qui sont finalement, grâce à des complicités, exportés sur pied en Europe, via les Comores. Et plusieurs sources militaires donnent le nom d’un même colonel qui fournirait des armes à Remenabila.
Quant aux superstitions qui entourent ce Jesse James malgache, elles laissent le général sceptique.
« Nous sommes en république à Madagascar », dit-il. « Tout le monde a le droit de croire à ce qu’il veut. Mais l’histoire nous l’a montré durant l’insurrection de 1947, les grigris n’ont pas marché. Lors des jacqueries du sud en 1971 non plus. Alors s’il a vraiment des amulettes magiques qui le protègent, qu’il se présente et on verra ».
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