En Tunisie, l’inflation joue les trouble-fêtes pour le Ramadan

Comparé à l’an dernier, « tout est plus cher, la viande, le poisson » se plaint Moufida, une mère de famille venue s’approvisionner au marché central de Tunis pour les premiers jours de ramadan.

Le maire de Nefta entend créer une exploitation agricole gérée par la commune et dédiée à la production de dattes (image d’illustration). © Jalil Bounhar/AP/SIPA

Le maire de Nefta entend créer une exploitation agricole gérée par la commune et dédiée à la production de dattes (image d’illustration). © Jalil Bounhar/AP/SIPA

Publié le 19 mai 2018 Lecture : 3 minutes.

L’inflation qui dépasse les 7% depuis plusieurs mois en Tunisie exacerbe une grogne sociale qui s’est traduite en janvier dernier par des manifestations contre la vie chère et des troubles – et le gouvernement fait de son mieux pour que la situation n’empire pas avec la consommation survoltée du mois sacré.

« J’ai dépensé 60 dinars (environ 20 euros), et je n’ai même pas acheté ni viande ni poulet, seulement des légumes, un peu de lasagnes et c?est tout », souligne Moufida, brandissant deux sachets plastiques à moitié pleins. « Avant, ça suffisait pour au moins deux semaines ».

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La hausse des prix touche de plein fouet l’alimentation : 8,9% d’augmentation sur un an selon les derniers chiffres de l’Institut national de statistique tunisien.

« Ramadan, c’est la fête, et la fête, ça passe par la nourriture, mais avec la hausse de prix je me demande comment fait la classe populaire », s’interroge une cliente, Mme Bahri, venue acheter du piment pour la harissa maison. « La classe moyenne s’endette, mais même moi, qui ai les moyens, il y a des choses que je n’achète plus quand les prix ne sont pas raisonnables ».

« C’est devenu impossible pour les pauvres de vivre ici », abonde Nabiha, divorcée et mère d’une fille handicapée, qui repart les mains vides. « Ca me rend triste » de ne pas pouvoir acheter de quoi célébrer ramadan, mais « on essaie quand même de faire une belle table ».

La flambée des fruits, le kilo de viande rouge qui dépasse 20 dinars (environ 7 euros) alors que le salaire minimum est à 350 dinars (115 euros), les poulpes qui atteignent 100 dinars (33 euros) la pièce à la halle des poissons de Tunis… L’inflation est le principal sujet de préoccupation des Tunisiens, et une source majeure du mécontentement envers les partis politiques exprimé lors des élections municipales début mai.

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Le gouvernement l’a bien compris, et pour ramadan, il a multiplié les mesures et annonces rassurantes.

Le président Béji Caïd Essebsi a souligné mercredi dans ses voeux que le gouvernement a pris « les dispositions nécessaires » pour répondre « aux revendications du peuple tunisien à une vie digne et une amélioration du pouvoir d’achat ».

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– Importations –

« On se prépare depuis des mois, heureusement ramadan coïncide avec une belle saison agricole », souligne Lassad Labidi, chef de cabinet du ministre du Commerce.

« Nous avons multiplié par deux les importations de viande bovine ces deux dernières semaines, et un accord a été trouvé avec les producteurs et distributeurs pour plafonner le prix du poulet au détail à 7 dinars le kilos (2,5 euros) », explique-t-il.

La production agricole est très largement dépendante d’intrants importés — oeufs, veaux, aliments et soins pour les animaux, dont les prix ont explosé à mesure que le dinar dévissait.

L’inflation est également alimentée des hausses des taxes mais aussi des quotas de production bas et des distributeurs peu scrupuleux.

Dans les allées bondées du marché couvert, où les effluves de thon frais tranché et d’olives se mêlent à celles des oignons blancs et des fraises, des contrôleurs veillent pour empêcher la spéculation.

« Ramadan, c’est un mois pour prier et aussi pour consommer. C’est pour ça qu’on concentre nos contrôles sur ce mois », explique Ahmed Belakhdhar, inspecteur des affaires économiques arpentant les étals.

Plus de 600 inspecteurs comme lui ont été déployés dans le pays « nuit et jour, semaine comme week-end », assure M. Belakhdhar — un effort insuffisant selon lui.

Au marché central, à défaut de baisser, la plupart des prix semblent stables alors que débute la frénésie d’achat.

« C’est déjà pas mal » estime une acheteuse quinquagénaire, consciente du manque de moyens du gouvernement, qui subventionne déjà pain, sucre ou encore lait.

« Nous traversons une crise économique, mais les prix n’ont pas trop monté pour le moment, espérons que ça dure », souligne-elle, sans souhaiter donner son prénom.

Mais après ramadan, finie la trêve des prix. Tous les facteurs pointent vers une poursuite de l’inflation, qui pourrait affecter la timide reprise de la croissance.

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