Nigeria : chercher l’or dans l’espoir de sortir du tout pétrole

Les habitants de la région ont toujours su qu’un vaste gisement d’or reposait sous les cacaoyers et les massifs de bambou de la jungle tropicale de l’État d’Osun, dans le sud-ouest du Nigeria.

Des employés d’une société d’exploitation minière à Iperindo au Nigeria le 29 mai 2018. © STEFAN HEUNIS / AFP

Des employés d’une société d’exploitation minière à Iperindo au Nigeria le 29 mai 2018. © STEFAN HEUNIS / AFP

Publié le 17 juin 2018 Lecture : 3 minutes.

Obsédé par la très lucrative exploitation pétrolière, le pays a négligé l’or durant des décennies. Mais le gouvernement cherche aujourd’hui à redynamiser un secteur minier moribond et diversifier ses revenus, plombés par l’effondrement des cours du baril depuis 2014.

Quelques sociétés misent déjà sur ce secteur, avec l’espoir de réitérer l’expérience fructueuse des pays voisins comme le Ghana, le Sénégal et la Sierra Leone.

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Par une matinée humide, Segun Lawson, directeur général de Thor Explorations, guide ses visiteurs sur le site où se trouve la mine rachetée par sa société.

« Personne ne connaît l’exploitation minière au Nigeria », affirme M. Lawson, vêtu d’une chemise blanche, d’un pantalons chino et de bottes de chantier, en marchant le long d’une route de terre rouge envahie d’insectes volants.

Le gouvernement nigérian a creusé la mine dans les années 1980, « mais le pétrole était si abondant qu’ils l’ont tout simplement abandonnée », ajoute-t-il, s’arrêtant au bord d’une vieille tranchée de 20 mètres de profondeur.

« L’or coule sur 210 mètres de profondeur », poursuit le géologue devant un courtier britannique visiblement impressionné par le chiffre.

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Lawson espère démarrer la première production d’or à grande échelle du Nigeria début 2020 : « C’est à notre portée. On se trouve dans une petite province aurifère que personne n’a explorée avec la technologie moderne ».

L’exploitation aurifère est une histoire ancienne en Afrique de l’Ouest. La région, qui accueillait alors les puissants royaumes d’Asante et du Mali, était au Moyen-Age une source majeure de lingots pour la Méditerranée et le monde arabe.

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« Se mettre au travail »

Ce commerce a été éclipsé par la traite négrière, avant d’être relancé à la fin du XIXe siècle, lorsque les Européens ont introduit de nouvelles techniques d’exploitation minière industrielles.

Dans les années 2000, un « super-cycle » des matières premières a entrainé un autre boom, les avancées techniques aidant à découvrir de nouveaux sites et à rendre l’exploitation minière plus productive.

Mais ces nouvelles technologies ont mis du temps à arriver au Nigeria.

Un peu plus bas sur la route menant à la mine, la ville d’Ilesa accueille un petit marché où les mineurs artisanaux vendent des pépites d’or alluvionnaire extraites du sol au terme d’efforts éprouvants.

« Nous avons toujours eu l’or mais nous n’avions pas les ressources pour l’exploiter », affirme Adeyeye Bamidele Adeniji, un chef traditionnel en accueillant les responsables de Thor Explorations dans sa maison d’Ilesa.

« Mon esprit est très clair, il faut se mettre au travail », dit-il « Nous comptons sur vous pour nous en faire bénéficier ».

Au Nigeria comme dans toute l’Afrique de l’Ouest, des dizaines de milliers de personnes travaillent dangereusement dans des mines à ciel ouvert, à la recherche d’or, d’étain ou de saphirs.

« Leur nombre et la faiblesse des règlementations encadrant leurs activités alarment de nombreux environnementalistes dans la région », affirme Cassandra Mark-Thiesen, chercheuse à l’Université de Bâle.

« Le recours au travail des enfants, les morts accidentelles chez les mineurs et la contrebande des minerais sont également problématiques ».

Le Nigeria a bâti une industrie pétrolière et gazière sophistiquée au détriment de tout le reste. La plus grande économie de l’Afrique dépend du pétrole pour 70% de ses recettes publiques, malgré d’importantes ressources en fer, en or et autres minerais.

« Long terme »

Depuis son arrivée au pouvoir en 2015, le gouvernement du président Muhammadu Buhari tente de s’affranchir de cette dépendance aux hydrocarbures.

À LIRE >>> Hydrocarbures : une nouvelle ère s’ouvre pour le continent

L’an dernier, la Banque mondiale a approuvé un crédit de 150 millions de dollars pour soutenir la croissance du secteur minier du Nigeria, qui représente actuellement moins de 1% du produit intérieur brut.

Le secteur minier nigérian est confronté à de gros problèmes, notamment le manque d’infrastructures de base pour le transport des minerais et l’insuffisance de données géologiques.

« Il faut être gourmand sur le long terme pour réussir au Nigeria », souligne Gabriel Olumide Odediran, responsable des investissements chez Asset and Resource Management Company, basé à Lagos.

« Essayer de faire de l’argent rapidement ne fonctionnera pas ici ».

Segun Lawson, qui a convoité la mine pendant des années avant de l’acheter, se voit comme un pionnier de la « nouvelle ruée » vers l’or. Mais il doit publier l’étude de faisabilité définitive avant de commencer les travaux sur la mine.

Se posera ensuite la question de l’équipement : les concasseurs et les broyeurs, introuvables au Nigeria, devront être importés de Chine.

« Développer la mine est assez surréaliste », affirme le géologue avec enthousiasme. « Nous n’imaginions pas que ça irait aussi loin ».

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