Macron au Nigeria : le président français au Shrine, sanctuaire de Fela Kuti
Le Shrine, salle de concert historique de Lagos fondée par le roi nigérian de l’afrobeat Fela Kuti, est davantage réputée pour ses volutes de fumées de marijuana, ses danseuses en transes et ses artistes engagés que pour recevoir des délégations diplomatiques.
C’est pourtant dans ce lieu emblématique de la culture musicale nigériane qu’Emmanuel Macron doit annoncer mardi soir l’organisation de la Saison des cultures africaines qui se tiendra en France en 2020.
Au cours d’une nouvelle tournée en Afrique qui le portera d’abord à Nouakchott pour le Sommet de l’Union Africaine, puis à Abuja, la capitale fédérale du Nigeria où il rencontrera son homologue Muhammadu Buhari pour parler une énième fois de sécurité et de terrorisme, le président français arrivera à Lagos, mégalopole vibrante de 20 millions d’habitants.
Emmanuel Macron passera sans doute une nouvelle nuit blanche, mais pour rencontrer cette fois un autre type d’homologue : l’esprit de Fela, celui que tout le monde surnommait « le black président ».
Finies les réunions diplomatiques à n’en plus finir, le président français sera l’invité vedette d’une soirée insolite organisée au Shrine, rythmée de concerts, de défilés des plus grands créateurs de mode ou de rencontres avec les incontournables de l’art contemporain africain. Il pourrait même jouer une scène de théâtre avec des acteurs nigérians, glisse-ton en coulisses.
un (vrai) président au Shrine
« L’idée est de montrer la richesse et la diversité des cultures africaines », explique Olivier Laouchez, PDG du groupe TRACE, chaînes musicales, et organisateur de l’évènement. « L’Europe ne connaît pas l’Afrique, en tout cas, pas sa dimension culturelle. »
Plus de vingt ans après la mort de Fela Kuti, homme aux innombrables femmes, emprisonné et harcelé pour ses positions politiques radicales, le Shrine n’a toujours pas très bonne réputation dans un pays très conservateur et religieux.
Un (vrai) président au Shrine, c’est du jamais vu au Nigeria et l’annonce passe encore pour une fausse rumeur dans les rues de Lagos.
Pour Ibrahim Tcha-Tchere, employé du centre culturel français puis de l’Alliance Française depuis 1983, c’est un peu son « cadeau de départ à la retraite ».
« La France a toujours eu une coopération culturelle importante avec le Nigeria », explique l’ancien. « C’est d’ailleurs un Français qui avait organisé la première tournée européenne de Fela en 1981. Ensuite, ses fils, Femi et Seun, ont aussi lancé leur carrière internationale en France. »
« Le Shrine, c’est un lieu incontournable », poursuit M. Laouchez, de Trace TV.
« L’Élysée veut une politique africaine jeune, tournée davantage sur les pays anglophones », explique-t-il à l’AFP.
« Ca demande une grande organisation, parce qu’il y a des coupures d’électricité fréquentes, il a fallu s’assurer aussi que les ventilateurs du plafond ne tombent pas sur les invités… mais c’est stimulant! », s’amuse-t-il.
‘culture afro-urbaine’
Basé à Johannesburg, autre bastion culturel en Afrique, il constate cependant que « Lagos est désormais la plus importante capitale culturelle » sur le continent.
« Musicalement, le mouvement du nouvel afrobeat nigérian (les stars Davido, Wizkid, ou Mr Eazi…) est global, il porte aujourd’hui toute la culture afro-urbaine, jusqu’aux Caraïbes », explique Olivier Laouchez.
Emmanuel Macron rencontrera également des acteurs de Nollywood, la deuxième industrie cinématographique au monde en terme de production de films.
Les films de Nollywood ont encore du mal à percer en dehors du continent africain, mais de Dakar à Nairobi en passant par Douala et Harare, les acteurs nigérians ont un fan club digne des plus grandes stars d’Hollywood.
Sur la scène de l’art contemporain, Lagos concurrence l’Afrique du Sud, avec son nouveau rendez-vous annuel, Art X, dont la commissaire d’exposition, Tokini Peterside sera également présente.
« Il se passe clairement quelque chose au Nigeria, notamment avec la multiplication des ventes aux enchères à Lagos, et ca va exploser », confie Marie-Cecile Zinsou, spécialiste de l’Art contemporain africain basée au Bénin voisin.
Le seul finalement qui pourrait voir d’un mauvais oeil cette soirée festive est feu Fela Kuti, dont le portrait domine la scène telle une figure christique dans une église.
Celui qui a passé sa vie le poing levé, à se révolter contre les VIP et tous les puissants de ce monde n’aurait sans doute jamais imaginé recevoir un jour un chef d’Etat européen et le gouverneur de l’Etat de Lagos dans son « sanctuaire ». Paix à son âme.
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