Éthiopie : Abiy Ahmed maintient le cap des réformes malgré l’attaque à la grenade
En dépit d’une attaque à la grenade à Addis-Abeba, dont il a été le témoin et sans doute la cible, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a poursuivi cette semaine son agenda réformateur en accueillant une délégation de l’ennemi juré érythréen.
Le Premier ministre de 42 ans a confirmé sa détermination à mener à bien ses réformes susceptibles de changer la trajectoire économique et politique du deuxième pays le plus peuplé d’Afrique.
M. Abiy avait été investi début avril par la coalition au pouvoir (EPRDF) dont il est issu et qui s’était retrouvée dos au mur devant un mouvement de protestation antigouvernementale sans précédent depuis 1991 et le renversement du régime d’Hailé Mariam Mengistu.
Il a depuis pris de court tout le monde, population éthiopienne en tête, en décidant de la libéralisation partielle de l’économie, de la remise en liberté de dissidents politiques et en annonçant sa volonté de mettre à un terme à plusieurs décennies d’hostilité avec l?Érythrée.
Devant le rythme accéléré et la portée de ces réformes, nombre d’observateurs se sont inquiétés des tensions que ces profonds changements pouvaient susciter, notamment dans les rangs de l’élite tigréenne qui contrôlait jusqu’alors les leviers de l’économie et de l’appareil sécuritaire.
L’attaque à la grenade il y a une semaine à l’issue d’un discours du Premier ministre devant une foule immense en plein coeur d’Addis-Abeba est venue alimenter ces craintes.
« Assurément, il y a de nombreux groupes, individus et organisations qui ne sont pas contents du type de réformes engagées », résume l’analyste politique éthiopien Hallelujah Lulie.
Mais, ajoute ce dernier, « le rassemblement a apporté la preuve tangible qu’il jouit d’une adhésion large et solide de la part d?Éthiopiens venus d’horizons politiques variés ».
‘Courage à deux mains’
Pour Seyoum Teshome, un professeur d’université qui a organisé le rassemblement du 23 juin, l’attaque à la grenade « était une attaque non seulement contre le Premier ministre lui-même mais aussi contre la liberté du peuple ».
Dés lors, « il va bénéficier d’un soutien encore plus grand du peuple », avance M. Seyoum.
Plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées dans la foulée et le gouvernement a évoqué des « complots (…) pour faire dérailler les réformes en cours ». Mais le Premier ministre a rapidement repris sa marche en avant, en accueillant en grande pompe une délégation érythréenne de haut rang dès mardi.
M. Abiy était alors apparu détendu et souriant au moment de recevoir ses invités érythréens pour ce qui était la première visite diplomatique du genre depuis la très meurtrière guerre qui a opposé les deux pays voisins entre 1998 et 2000 (au moins 80.000 morts).
« De grands hommes d’État en Érythrée et en Ethiopie ont pris leur courage à deux mains et ont fait preuve de vision pour emprunter un nouveau chemin et construire les piliers d’une paix régionale ancrée dans la loi et la justice », s’est réjoui sur Twitter le ministre érythréen de l’Information, Yemane Gebremeskel, après l’arrivée de la délégation.
Inimaginable il y a encore quelques semaines, le rapprochement avec l’Érythrée a été amorcé début juin par M. Abiy. Une réconciliation qui avance à pas de géant, le gouvernement éthiopien ayant annoncé jeudi une rencontre prochaine entre Abiy Ahmed et le président érythréen Issaias Afeworki.
Mais parallèlement à ce rapprochement historique, les Nations unies ont tiré la sonnette d’alarme mercredi: ces derniers mois, les frontières entre régions administratives – dessinées par l’EPRDF principalement sur des lignes ethniques – ont été le théâtre d’affrontements entre communautés.
Mercredi, au moins 10 personnes ont de la sorte été tuées dans des combats dans la région occidentale de Benishangul-Gumuz.
À travers le pays, plus de deux millions de personnes ont désormais dû fuir leurs foyers en raison de ces tensions communautaires.
M. Hallelujah se dit convaincu que les réformes du Premier ministre pourraient aider à restaurer la confiance des Éthiopiens envers leurs autorités, et donc calmer ces tensions. « S’il continue au même rythme et avec la même rhétorique que ces trois derniers mois, je pense qu’elles vont se calmer ».
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