Sénégal: Adrien, un bienfaiteur de Casamance qui n’attend rien de l’Etat

Le Sénégalais Adrien Manga a failli arrêter l’école parce qu’il était pauvre. Aujourd’hui, ce guide de Casamance (sud du Sénégal) paie la scolarité de près de 2. 600 enfants dans cette région en proie à une rébellion indépendantiste, sans rien « attendre de l’Etat ».

Sénégal: Adrien, un bienfaiteur de Casamance qui n’attend rien de l’Etat © AFP

Sénégal: Adrien, un bienfaiteur de Casamance qui n’attend rien de l’Etat © AFP

Publié le 16 février 2012 Lecture : 3 minutes.

« J’amène des gens découvrir la Casamance profonde et avec les bénéfices de ce que je fais, j’essaie d’aider les populations », affirme Manga, également chauffeur et loueur de véhicules pour touristes, qui vit à Enampor, son village natal près de Ziguinchor, principale ville de la région.

« Je suis un humanitaire indépendant », dit en souriant ce grand homme au crâne rasé, salué dans différentes localités de cette région de forêts, mangroves, rizières, qu’il parcourt dans son 4×4.

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C’est un bienfaiteur, témoignent des habitants: depuis cinq ans, il règle de nombreuses factures pour l’école, la santé, la réparation de clôtures ou la rénovation de puits à Enampor et d’autres localités.

En 2007, il a commencé avec le parrainage de six élèves. Pour 2011-2012, il paie les frais d’inscription, les fournitures et le repas à l’école pour 2. 555 enfants de la région et « parraine » 27 enfants et leurs familles en prenant totalement en charge leur scolarité, soins médicaux, nourriture.

« Ceux qui sont prioritaires, ce sont les orphelins, les familles nombreuses, les enfants issus de parents handicapés », explique-t-il, un verre de vin de palme à la main, assis dans la cour de sa maison plantée de palmiers où il élève canards et poulets.

Marié et père d’une fillette d’un an, Adrien Manga a 35 ans « sur le papier », plus probablement « entre 40 et 42 ans », reconnaît-il. Mais ce fils de guérisseur diola -ethnie très présente dans la région- ne révèle pas combien il gagne et combien il investit dans ses actions sociales.

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Je ne gagne pas bien ma vie en tant que tel, mais il y a plus malheureux que moi. Ce que j’ai, je le partage », affirme-t-il, arguant d’une tradition familiale.

Poulailler

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Son propre parcours scolaire n’est pas non plus étranger à son engagement. Après l’école primaire à Enampor, il se rend à Ziguinchor pour le collège, sans moyens, sans aide. Son premier gîte fut « le poulailler d’une vielle dame ». « J’ai dormi là pendant un an et demi. Tous les soirs, je balayais, je mettais la natte et je dormais », se souvient-il.

Il a un toit décent grâce à un botaniste belge, Constant Vanden Berghen, rencontré dans son enfance à Enampor et que, gamin, il accompagnait dans la forêt à la recherche de plantes. Des années plus tard, le Belge lui a « fait connaître l’Europe » et les deux hommes ont réalisé deux publications spécialisées.

Après le baccalauréat à Ziguinchor, cap sur Dakar, où il s’incrit en physique-chimie à l’université en 1998 pour « trouver les substances qui soignent » mais il abandonne la faculté avant la fin de l’année scolaire pour rentrer veiller sur son père malade, aujourd’hui décédé.

Après de petits métiers, Adrien Manga se lance en 2002 dans le transport de touristes, puis développe son affaire et investir le champ humanitaire.

Que pense-t-il de la présidentielle du 26 février, qui a plongé le pays dans la fièvre électorale? « Ca ne m’intéresse pas. Moi, je suis un indépendant », le résultat du scrutin « n’y changera rien, parce que je n’ai jamais attendu l’Etat pour faire ce que je fais », déclare-t-il.

Il déplore les violences qui endeuillent sa région depuis qu’en 1982, le Mouvement des forces indépendantistes de Casamance (MFDC) y a déclenché une rébellion indépendantiste armée.

« On a besoin d’actions, pas de violences. Je préfère la paix », dit-il, sans prendre position, déplorant qu’un précepte fondamental chez les initiés diola soit aujourd’hui oublié par beaucoup: « personne n’a le droit de mettre fin à la vie de quelqu’un ».

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