Canada: expulsion de Léon Mugesera, idéologue présumé du génocide rwandais
Le Canada a expulsé lundi soir le Rwandais Léon Mugesera, accusé d’avoir incité au génocide de 1994 ayant fait 800. 000 morts dans son pays d’origine, au terme d’une saga politico-judiciaire de près de deux décennies.
« Léon Mugesera a pris l’avion pour Kigali! », a déclaré en début de soirée la ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo, sur son compte Twitter.
« Le Canada est déterminé à voir Léon Mugesera faire face à la justice en lien avec les allégations d’avoir fait la promotion du génocide qui a fait des centaines de milliers de victimes innocentes au Rwanda au début des années 90 », a écrit à l’AFP Mike Patton, porte-parole du ministre de la Sécurité publique.
« Pour des raisons liées à la sécurité des opérations, je ne peux pas en dire plus pour le moment », a-t-il ajouté, suggérant ainsi que l’expulsion était en cours.
Le Rwanda veut juger Léon Mugesera, ancien homme politique et idéologue rwandais établi dans la ville de Québec depuis 1993, pour incitation au génocide dans un discours musclé prononcé en 1992, deux ans avant le début des massacres ayant fait 800. 000 morts.
Dans ce discours, M. Mugesera avait traité les Tutsis de « cancrelats » et dit que « ceux dont vous ne couperez pas le cou seront ceux qui couperont le vôtre ».
Le Canada tentait d’expulser M. Mugesera depuis le milieu des années 1990 mais ce dernier avait multiplié les recours judiciaires afin de rester au pays à la feuille d’érable avec sa femme et ses enfants.
Les autorités canadiennes devaient expulser M. Mugesera, 59 ans, il y a deux semaines, mais la Cour supérieure du Québec avait suspendu la procédure pour que le Canada ait le temps d’examiner une demande du Comité contre la torture de l’ONU le concernant.
Le comité demandait au Canada un délai de six mois pour se pencher sur les risques de torture que M. Mugesera pourrait courir dans son pays d’origine.
La Cour supérieure du Québec s’est finalement déclarée incompétente lundi pour juger du dossier, faisant valoir que les questions d’immigration relevaient uniquement des cours fédérales, et estimé que les conclusions du comité des Nations unies n’étaient pas contraignantes pour le gouvernement.
Par conséquent, le Canada n’a pas à attendre les conclusions de ce comité pour expulser l’homme politique rwandais. Dans l’après-midi, un tribunal fédéral a refusé un autre sursis à Mugesera, scellant ainsi son sort.
L’Agence des services frontaliers avait transféré dans la journée M. Mugesera à l’aéroport de Montréal, où des proches de l’homme politique rwandais, y compris sa femme, s’étaient réunis, selon un journaliste de l’AFP. La famille, qui pourra rester au Canada, s’est refusée à tout commentaire.
Les avocats de M. Mugesera faisaient valoir que leur client risque d’être torturé ou de ne pas avoir droit à un procès équitable à son retour au Rwanda.
« Le gouvernement canadien n’a pas dévoilé à M. Mugesera la documentation qu’il détenait sur les actes criminels commis par le FPR », formation du président rwandais Paul Kagame au pouvoir depuis juillet 1994, a dit à l’AFP Me Philippe Larochelle, un de ses avocats.
Les avocats canadiens de M. Mugesera avaient récemment déposé en cour un document public datant de 2004 et dans lequel le gouvernement faisait état de « crimes contre l’humanité commis par le FPR ».
Mais selon le gouvernement canadien, le contexte politique a changé au Rwanda et le pouvoir à Kigali a fourni des garanties quant à la sécurité et l’impartialité d’un éventuel procès de Léon Mugesera.
« Il a bénéficié d’un des systèmes d’appel les plus généreux au monde », a commenté lundi le ministre conservateur Steven Blaney à propos de cette saga judiciaire.
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