Libye: des femmes brisent le tabou du viol devant des enquêteurs de la CPI
Des femmes libyennes ont osé briser les tabous dans une société très conservatrice pour raconter les agressions sexuelles subies sous le régime de Mouammar Kadhafi aux enquêteurs de la Cour pénale internationale (CPI), qui commençaient jeudi une enquête sur ces crimes sexuels.
Une équipe de la Cour pénale internationale (CPI) est arrivée mercredi en Libye pour enquêter sur des crimes sexuels qui auraient été commis par des fidèles de l’ancien dirigeant Mouammar Kadhafi durant les huit mois de révolte contre son régime.
« Nous sommes ici pour mener une enquête sur des crimes sexuels » commis durant le soulèvement, a déclaré à l’AFP Jane O’toole, qui dirige l’équipe de la CPI, expliquant que l’enquête porterait sur tous les aspects des principaux crimes sexuels commis contre les femmes.
« Nous n’enquêtons pas sur chaque crime mais sur les plus graves et ceux qui constituent des crimes majeurs », a-t-elle expliqué en marge d’une conférence sur les femmes, ajoutant que l’objet de l’enquête était également de savoir qui avait ordonné ces crimes.
« Nous en sommes encore au stade préliminaire », a-t-elle précisé.
En juin, le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, avait déclaré que les enquêteurs de la CPI disposaient de preuves que Mouammar Kadhafi avait ordonné des viols en série durant la révolte et fait distribuer pour cela des stimulants sexuels de type Viagra à ses soldats.
L’équipe de Mme O’toole, qui demeurera en Libye jusqu’à vendredi, a pris part mercredi soir à une conférence au cours de laquelle des Libyennes ont raconté les atrocités qu’elles disent avoir subies aux mains de responsables du régime de Kadhafi avant et durant la révolte.
Latifa Mesbah Humayar a raconté avoir été violée par des fonctionnaires de Kadhafi en 1999 à l’orphelinat de Tripoli où elle a grandi et a passé une grande partie de sa vie adulte.
« Je suis restée dans cette institution durant 38 ans et c’est là où j’ai souffert le plus », dit-elle.
« J’ai été violée à l’orphelinat par des fonctionnaires du ministère de la Santé parce que j’ai parlé ouvertement contre Kadhafi. C’était choquant. Des gens qui étaient censés prendre soin des orphelins comme moi, se sont transformés en ennemis ».
« Il y avait des agressions sexuelles régulières. J’ai souffert de séquelles physiques et sexuelles. Tout cela a été commis par l’ancien régime », a-t-elle dit, accusant les haut responsables du régime d’être au courant de ces agissements.
Elle a appelé la CPI à « enquêter et à traduire les criminels devant la justice ».
Militante féministe et blogueuse, Ghaida Touati, a évoqué sa détention durant trois mois dans la tristement célèbre prison d’Abou Slim à Tripoli.
Elle a été emprisonnée durant l’insurrection contre le régime de Kadhafi, seulement quatre jours après sa rencontre avec l’ancien « Guide » dans sa résidence de Bab al-Aziziya.
« Je l’ai rencontré pour lui parler des violences contre les femmes en Libye et il a dit: +vous êtes une brave fille, et nous avons besoin de nombreuses filles comme vous en Libye+. Quatre jours plus tard, j’ai été arrêtée », a-t-elle dit.
Elle a précisé avoir été détenue du 16 février au 15 mai, la plupart du temps à l’isolement.
« J’ai été menacée, agressée et insultée. Tout cela pour avoir écrit sur les violences contre les femmes. Il est de notre devoir de traduire ces criminels de Kadhafi devant la justice. . . des criminels qui ont violé nos vies privées juste parce que nous avons réclamé la liberté ».
« J’espère que la communauté internationale nous aidera en portant nos cas devant la Cour (pénale) internationale », a-t-elle déclaré.
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