Le chanteur Rachid Taha enterré en Algérie sur la terre de ses ancêtres
Youyous, larmes et incantations ont accompagné la levée du corps du chanteur algérien Rachid Taha, figure du rock français des années 1980 et voix du raï et du chaâbi, inhumé vendredi à Sig dans l’ouest algérien.
Porté par six pompiers, sa dépouille couverte du drapeau algérien a été mise en terre au cimetière Sidi Benziane, en début d’après-midi après la prière du vendredi, sous quelques nuages.
Une foule d’anonymes comme de personnalités est venue rendre hommage au chanteur, décédé à 59 ans en France des suites d’une crise cardiaque dans la nuit de mardi à mercredi.
« Je pleure sans larmes tant le choc est grand », a confié à l’AFP sa mère, Aïcha.
À 77 ans, la vieille dame observe le défilé incessant des personnes venues présenter leurs condoléances dans la villa familiale qu’elle occupe avec son mari, Ali, en banlieue de Sig.
Une grande tente a été érigée devant son domicile pour accueillir les visiteurs. « C’est brutal, on ne s’y attendait pas », répètent-ils inlassablement, et parfois, un sanglot transperce le silence.
Parmi eux, Djilali Taha, un des cousins de Rachid Taha. À 62 ans, Djilali a perdu il y a une semaine son fils de 27 ans. Rachid l’avait alors appelé, se souvient-il, pour pester contre cette vie où « les vieux enterrent les jeunes ».
« Aujourd’hui, je l’enterre après avoir enterré mon fils et c’est moi qui console son père », dit Djilali qui peine à cacher son émotion.
Non loin de lui, Ali Chérif, le père de Rachid Taha, répète à qui veut entendre sa « fierté » pour ce fils « exemplaire » pour ne pas céder au chagrin.
Une tasse de café
Khaira, la soeur de Rachid Taha, attendait avec impatience le 22 septembre pour assister au concert de son grand frère à Lyon, où elle vit.
« Il m’avait appelé et promis un billet puis je reçois un appel m’annonçant sa mort », raconte-t-elle. « C’est trop dur, on n’arrive pas à s’exprimer tant le choc est immense. »
La veuve du chanteur, Véronique, souligne que cet enterrement est à l’image du chanteur : modeste et convivial.
« Ici, la façon d’accueillir la mort est très humble. Même en pareilles circonstances, on retrouve la générosité et la chaleur familiale », remarque-t-elle.
Un jour, Rachid Taha lui avait expliqué que les morts, chez lui, étaient recouverts de terre, et non de marbre comme en France. Elle lui avait demandé comment les gens reconnaissaient les tombes : il avait répondu qu’avant, les gens posaient une tasse de café ou un accessoire quelconque pour les identifier.
Même si elle sait qu’aujourd’hui les tombes sont identifiables – le nom du défunt figure sur des stèles -, Véronique a amené de France une tasse pour la déposer sur la tombe de son mari.
Le retour
Né dans une Algérie alors française en 1958, Rachid Taha a quitté le pays à dix ans pour la France, où il a passé le reste de sa vie.
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Enfant du rock et du punk, il n’a jamais oublié ses racines et a associé à ces genres des sonorités orientales et algériennes, notamment celles du raï et du chaâbi qu’il a fait connaître à travers le monde.
En 2016, Rachid Taha a reçu une Victoire de la musique pour l’ensemble de sa carrière. Il s’apprêtait à sortir un nouvel album, dont le premier morceau devait s’intituler « Je suis africain ».
L’une de ses plus célèbres chansons « Ya Rayah » s’adressait à « toi qui t’en vas » et qui « doit finalement revenir ».
Vendredi, le jour de son enterrement, certains de ses amis se sont souvenus avec nostalgie de son dernier passage en Algérie, il y a dix mois. Mohamed, un voisin, a remarqué que Rachid Taha, lui aussi, est finalement revenu, comme dans la chanson.
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