« Marlon Brando », vendeur de fripes dans la rue à Tunis, veut faire du cinéma
S’il est vrai qu’on a tous un sosie sur terre, celui de Marlon Brando vend des fripes dans les rues de Tunis et rêve de cinéma comme on rêve, en Tunisie, d’un ailleurs meilleur.
Tourné avant la révolution de jasmin mais toujours d’une cruelle actualité, « Always Brando » du réalisateur tunisien Ridha Behi, présenté au festival de Toronto, imagine un film qui ferait se croiser le modèle et son double.
Ou plus exactement le rêve d’un jeune Tunisien engagé comme figurant sur un tournage américain dans son village et qui se prend à rêver d’incarner le célèbre acteur dans un biopic qui lui serait consacré.
« Quand j’ai rencontré Anis Raache (l’acteur), j’ai été tellement frappé de sa ressemblance que j’ai immédiatement pensé à un face-à-face avec Brando », raconte Ridha Behi à l’AFP.
Même lippe boudeuse, même nez aquilin, le jeune homme était vendeur de rues avant d’incarner des petits rôles à la télévision tunisienne.
Le film, imagine Ridha Behi, confronterait le monstre sacré du cinéma américain et le jeune homme et du même coup deux mondes, Hollywood et la Tunisie, par ailleurs terre d’accueil de nombreux tournages – « avec des conséquences pas toujours très heureuses », relève le metteur en scène.
« J’ai fait des photos et écrit un scénario que j’ai faits passer à Marlon Brando par des amis, puis j’ai oublié l’affaire », reprend-il.
« Trois ou quatre mois plus tard, Brando m’a appelé et de cette voix si caractéristique, dans un français parfait, il m’a demandé de venir à Los Angeles: 36 heures plus tard j’étais chez lui, à Mulholland Drive », se souvient le réalisateur.
C’est un Brando énorme qui le reçoit, déjà malade, qui poursuit parfois la conversation depuis son lit, mais s’annonce tout de suite d’accord pour le projet qui le séduit, à condition de revoir le scénario et les dialogues.
« Il avait annoté mon scénario avec 23 remarques très précises et on s’est mis au travail », poursuit Rida Behi. « Dans ma version, Anis rencontrait Brando sur un tournage en Tunisie et finissait acteur à Los Angeles. Brando m’a déconseillé de le faire réussir, il me disait +s’il vient ici, il va finir à Guantanamo ton gars+! ».
On est déjà dans l’Amérique post-11-Septembre: « Il voulait en profiter pour dénoncer les agissements de +Bush et sa bande+ comme il disait ».
Le projet traîne, puis Marlon Brando meurt le 1er juillet 2004.
« Il m’a fallu du temps pour surmonter ça », avoue le réalisateur, qui reprend son ouvrage. Il se sent, explique-t-il, responsable de l’acteur, Anis Raache, qu’il fait attendre depuis plusieurs années. « J’avais aussi cette responsabilité, surtout depuis le 11-Septembre, de dire aux miens que tous les Occidentaux ne sont pas des diables. On ne pouvait pas laisser tomber: Brando était une star, c’était aussi quelqu’un d’engagé ».
L’astuce, poursuit-il, fut donc d’intégrer la mort de l’acteur dans le film et plutôt que de raconter la rencontre d’Anis et de Brando, filmer un jeune homme de la campagne qui se prend à rêver d’incarner la star.
Mais, victime d’un menteur qui en veut plus à son corps qu’à son talent, le jeune homme finit désespéré par embarquer, une nuit, dans un rafiot pour l’Europe. Il ne laisse derrière lui que désolation et chagrin.
« On était en train de monter le film quand la révolution a commencé: on était en plein dedans quand tous ces jeunes gens ont commencé à s’échouer sur les côtes de Lampedusa » en Italie, constate tristement le réalisateur. Rattrapé par la réalité.
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