Centrafrique : tirs à Bangui après la destitution du président de l’Assemblée nationale
Le président de l’Assemblée nationale centrafricaine Karim Meckassoua a été destitué vendredi soir par les députés, ce qui a entraîné des tirs dans sa circonscription, le quartier PK5 de Bangui, souvent théâtre de violences et abritant la majorité des musulmans de la capitale.
Les tirs, épars et qui ont cessé après quelques minutes, ont été entendus à 18H30 (17H30 GMT), peu après que les députés centrafricains ont voté à 98 voix pour, 41 contre et une abstention la destitution de Karim Meckassoua, président de l’Assemblée.
Mardi, plus de 400 personnes, dont de nombreux habitants du PK5, ont manifesté depuis leur secteur jusqu’au quartier général de la Mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca, 13.000 Casques bleus), pour protester contre la procédure de destitution du président de l’Assemblée.
Celle-ci a été lancée mi-octobre par une pétition, signée par 95 députés sur 140.
Selon le règlement de l’Assemblée, après réception de la pétition, un vote devait avoir lieu et recueillir au moins les 2/3 des voix des députés, soit 94, pour que M. Meckassoua soit destitué.
Il était accusé par ses détracteurs d’avoir « confisqué des dossiers essentiels pour les députés », selon Mathurin Dimbélet Makoé, 2e vice-président de l’Assemblée, évoquant mi-octobre devant la presse une « opacité dans la gestion des finances » de l’Assemblée, notamment.
« Pour que le gouvernement puisse faire son travail, il fallait que la stabilité institutionnelle soit préservée », s’est réjoui après le vote à l’AFP Steve Koba, président du groupe parlementaire « Coeur Uni » réputé proche du président Faustin-Archange Touadéra.
Un nouveau président doit être élu dans les trois jours ouvrés.
Lors de la marche mardi, certains manifestants, habitants du PK5, avaient prévenu de possibles troubles si M. Meckassoua était destitué : « Si il y a la destitution du président de l’Assemblée, je vous assure qu’il y aura la crise totale dans le pays », avait ainsi déclaré, lors de cette manifestation, pacifique et sans heurts, Moussa.
« Si Meckassoua part, il y aura des tensions, ça sera autre chose » qu’une marche pacifique, avait aussi prévenu Cherif, manifestant.
Dans le quartier du PK5, poumon économique de la capitale, des milices armées ont établi leur QG et combattent souvent, entre elles et contre les forces armées nationales et de l’ONU.
Relation tumultueuse avec Touadéra
Début octobre, au moins trois personnes avaient été tuées lors d’échanges de tirs entre un membre d’une milice du quartier et des hommes armés non-identifiés.
En avril, le PK5 avait été le théâtre de violences meurtrières qui avaient fait plusieurs dizaines de morts. Les violences s’étaient ensuite propagées à proximité du PK5, avec notamment des combats autour d’une église catholique le 1er mai qui avaient fait au moins 24 morts et 170 blessés.
Après le déferlement de haine entre rebelles de la coalition Séléka à dominante musulmane et groupes antibalaka prétendant défendre les chrétiens du sud du pays à partir de 2013, l’élection de Karim Meckassoua, un musulman, au perchoir en 2016, était apparu comme un symbole de réconciliation en Centrafrique, dirigée par un chrétien, Faustin-Archange Touadéra.
Mais dans ce pays où l’influence politique reste en partie communautaire, les relations entre les deux hommes n’ont jamais été bonnes. En 2017, des rumeurs de coups d’État avaient circulé, des proches de M. Touadéra n’hésitant pas à accuser publiquement M. Meckassoua.
En mars, un proche du président Touadéra avait été élu vice-président du Parlement : une volonté, selon les observateurs à l’époque, de saper l’autorité de M. Meckassoua.
Selon plusieurs députés interrogés par l’AFP, la pétition et la tentative de destituer M. Meckassoua pourraient avoir été pilotées par la présidence centrafricaine, qui souhaiterait placer un de ses fidèles à la tête de l’Assemblée.
M. Meckassoua, qui a répondu vendredi à chacun des points de reproche, a demandé aux députés à la tribune : « Qu’est-ce que vous êtes invités à faire aujourd’hui ? La procédure qui s’ouvre devant vous est-elle la procédure de destitution voulue par les Centrafricains, où est-ce autre chose ? »
En Centrafrique, l’État ne contrôle qu’une petite partie du territoire : depuis 2013, la quasi-totalité de celui-ci vit sous la coupe de groupes armés, dans un pays de 4,5 millions d’habitants classé parmi les plus pauvres au monde mais riche en diamants, or et uranium.
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