Chirac accusé à Paris et Abidjan de financement occulte africain

Un pilier de la « Françafrique » a allumé un incendie en accusant dimanche Jacques Chirac d’avoir reçu des financements africains occultes, accusations reprises à Abidjan, alors que l’ex-président français a annoncé qu’il portait plainte pour diffamation.

Chirac accusé à Paris et Abidjan de financement occulte africain © AFP

Chirac accusé à Paris et Abidjan de financement occulte africain © AFP

Publié le 11 septembre 2011 Lecture : 3 minutes.

Dans Le Journal du Dimanche, l’avocat franco-libanais Robert Bourgi, 66 ans, décrit avec luxe de détails des remises de fonds émanant de chefs d’Etat africains -« plusieurs dizaines de millions de francs », « incalculable! » – qu’il aurait réalisées entre 1997 et 2005 auprès de l’ancien président et de celui qui fut son secrétaire général et Premier ministre, Dominique de Villepin.

L’ex-numéro 2 du président ivoirien déchu Laurent Gbagbo a renchéri en affirmant dimanche à l’AFP que quelque trois millions d’euros avaient bien été transférés d’Abidjan à Paris pour financer la campagne pour la réélection de Jacques Chirac en 2002.

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M. Bourgi « a parfaitement raison », a tranché Mamadou Koulibaly, toujours président de l’Assemblée nationale ivoirienne.

A Paris, un membre de l’entourage en France de M. Gbagbo a ajouté que « cela devait éclater un jour ou l’autre ».

Le Sénégal a en revanche qualifié d’ »archi-faux » ces propos, par le porte-parole de la présidence Serigne Mbacké Ndiaye, qui a ajouté: « je me demande qu’est-ce qui fait courir » Robert Bourgi ?

L’avocat de M. Chirac, Jean Veil, a aussitot annoncé un dépôt de plainte contre M. Bourgi pour diffamation, puis M. de Villepin opposait un démenti aux accusations, a lui aussi annoncé qu’ilm porterait plainte.

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L’étonnante confession de M. Bourgi, un homme de l’ombre, coïncide avec la sortie d’un livre-brûlot du journaliste-enquêteur Pierre Péan, « La République des mallettes », décrivant un tourbillon de commissions et rétrocommissions autour de l’homme d’affaires Alexandre Djouhri, ami de M. de Villepin.

M. Bourgi aurait commencé la noria de « valises » africaines en mars 1997, « le jour de l’enterrement de mon maître Jacques Foccart », confie-t-il.

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Jacques Foccart créa, sous de Gaulle, la Françafrique, système décrié de réseaux d’influence maintenus par Paris avec ses ex-colonies d’Afrique noire.

« Par mon intermédiaire », « cinq chefs d’Etat africains -Abdoulaye Wade (Sénégal), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Laurent Gbagbo (Côte d’Ivoire), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) et, bien sûr, Omar Bongo (Gabon)- ont versé environ 10 millions de dollars pour cette campagne de 2002 », prétend l’avocat.

L’actuel ministre des Affaires étrangères Alain Juppé n’est pas épargné. « L’argent d’Omar Bongo a servi a payé le loyer pendant des années » de son club 89, accuse M. Bourgi.

Bourgi exonère Sarkozy

Pourquoi ces révélations soudaines après un long silence ? « Je veux tourner la page du passé, un passé dont je ne suis pas très fier », dit M. Bourgi.

Une explication qui ne convainc pas tout le monde.

Il est « scandaleux que M. Bourgi ait attendu que le président Chirac ne soit plus en mesure de se défendre pour soulager son âme délicate », a ironisé Me Veil, en allusion à la maladie dont souffre l’ex-chef de l’Etat, 79 ans en novembre.

Souvent qualifié de conseiller officieux de Nicolas Sarkozy, M. Bourgi exonère l’actuel président français qui « m’a demandé de travailler pour lui, mais sans le système de financement par +valises+ ».

Le ministre de l’Intérieur Claude Guéant a confirmé dimanche que M. Bourgi avait évoqué avec le président Sarkozy « en terme très généraux » la question du financement par des fonds africains d’hommes politiques français.

Mais Michel de Bonnecorse, conseiller Afrique de M. Chirac, a assuré à M. Péan que M. Bourgi avait, avant l’élection présidentielle de 2007, déposé une mallette d’argent « aux pieds » de M. Sarkozy.

« Il appartient aux autorités judiciaires de faire leur travail », a dit M. Guéant.

Comme il avait qualifié le livre de M. Péan de « fantasmes », M. de Villepin parle à propos de M. Bourgi d’ »écran de fumée », de « volonté de salir la présidence Chirac ».

La dirigeante Marine Le Pen du Front national, le parti d’extrême-droite, s’est empressée de parler de « République pourrie jusqu’en son centre ».

Le Parti socialiste, principal parti d’opposition, a demandé l’ouverture immédiate d’une information judiciaire. Mais il pour l’heure il n’y a pas ouverture d’enquête, a précisé le parquet de Paris.

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