Zimbabwe: doutes sur la mort de Mujuru, l’homme qui pouvait dire « non » à Mugabe

Depuis la mort le 16 août dans l’incendie de sa maison de Solomon Mujuru, chef historique de l’armée du Zimbabwe, les questions s’accumulent sur les circonstances de ce drame, qui a éliminé de la scène politique un homme de l’ombre à la grande influence sur les actuels dirigeants.

Zimbabwe: doutes sur la mort de Mujuru, l’homme qui pouvait dire « non » à Mugabe © AFP

Zimbabwe: doutes sur la mort de Mujuru, l’homme qui pouvait dire « non » à Mugabe © AFP

Publié le 2 septembre 2011 Lecture : 3 minutes.

Ancien général et homme d’affaires ayant des intérêts dans des secteurs clés, y compris les diamants, Solomon Mujuru « était une personnalité complexe », reconnaît Takavafira Zhou, politologue à l’université d’Etat de Masvingo.

« Mais une chose est sûre, il ne craignait pas l’équipe dirigeante actuelle car c’est grâce à lui qu’ils sont devenus ce qu’ils sont aujourd’hui », explique-t-il à l’AFP, et « il pouvait apparaître dangereux s’il tendait l’oreille à l’opposition. Il pouvait s’attirer des inimitiés venant de plusieurs directions ».

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« Héros national » jouissant d’une grande aura pour son rôle à la tête de la guérilla qui a permis aux forces de l’actuel président Robert Mugabe, entraînées au Mozambique, d’arracher l’indépendance en 1980 contre la Grande-Bretagne, Mujuru avait pris sa retraite militaire en 1995.

Il était officiellement retiré de la vie parlementaire depuis plus de dix ans, après avoir siégé au Parlement de Chikumba de 1994 à 2000.

Mais à 62 ans, il demeurait un membre influent du parti présidentiel, le ZANU-PF, avait placé son épouse Joyce à la vice-présidence en 2004 et jouait une partition bien à lui, dans le contexte de rivalités et de tensions qui ont failli plonger le pays dans la guerre civile avant la formation en 2009 d’un fragile gouvernement d’union nationale avec le Premier ministre Morgan Tsvangirai.

« Il était le seul à pouvoir sermonner Mugabe, à pouvoir dire ce qu’il pensait, et rappeler aux dirigeants du parti que la guerre de libération n’avait pas pour but de maintenir des gens au pouvoir mais de permettre à la population de choisir leur leader », ajoute-t-il.

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Sa disparition laisse un vide dont témoigne le flot de messages de condoléances imprimés depuis trois semaines dans la presse accompagnés de photo.

« Le général Mujuru restait un militaire professionnel (. . ). Il pouvait résister à Mugabe, s’opposer à lui sur certaines questions et choix politiques, et les gens le respectaient pour ça. Il était respecté comme faiseur de roi, aussi bien par les faucons que les colombes de son parti », estime Johan Makumbe, politologue à l’université du Zimbabwe.

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A deux reprises, lors d’épisodes clés de l’histoire du Zimbabwe, Mujuru a dit non à Mugabe. Dans les années 1980, il a refusé de s’engager dans l’opération « Gukunrahundi » pour mater dans le sang des opposants des provinces sud. Il y eut au moins 20. 000 morts, selon des groupes de défense des droits de l’homme.

Durant les élections, « il s’opposait aux violences contre les gens. Il n’avait pas de problème à engager le dialogue avec les opposants de son parti et ne voyait pas l’opposition comme des ennemis de l’Etat », souligne M. Makumbe.

Lors de l’opération « Gukunrahundi », « il a été accusé d’être un vendu parce qu’il n’inclinait pas à l’extrêmisme », se souvient le colonel Tshinga Dube, un ancien camarade de combats et vétéran, cité par le quotidien The Financial Gazette.

La semaine dernière, Mujuru a été inhumé dans un caveau réservé aux héros de la libération en présence de 40. 000 personnes, du président et du Premier ministre.

Sa femme a cependant exigé une enquête approfondie, trouvant « bizarre » que son époux n’ait pas pu s’échapper par l’une des nombreuses issues de leur maison lors de l’incendie. Leur habitation, à Beatrice, comptait 18 pièces.

« La camarade Mujuru a dit ce qu’elle avait sur le coeur et expliqué que les circonstances entourant la mort du général demeuraient un mystère pour la famille et qu’elle n’aurait pas de paix tant qu’elle n’aurait pas d’explications satisfaisantes », soulignait jeudi le bulletin d’informations de la chaîne ZBC.

La police, pour l’instant, n’a rien laissé filtrer.

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