Côte d’Ivoire: la sulfureuse « rue Princesse » victime du grand ménage à Abidjan
Le « Pigalle » d’Abidjan, la célèbre « rue Princesse », a été rasée au bulldozer. Le haut lieu interlope de la fête et de la musique de Côte d’Ivoire a été victime ce week-end d’une campagne du nouveau gouvernement ivoirien contre l’insalubrité et le « désordre ».
« Un samedi noir! », se désole un habitué.
Au milieu des gravats, quelques maigres accords de musique sortant seulement d’une improbable sono perçaient le silence tombé ce soir-là sur cette artère du quartier populaire de Yopougon (ouest). Les deux kilomètres de bitume étaient plongés dans le noir.
Du « Kadjona » au « Métropolis » en passant par le « Cyclone », les dizaines de discothèques, bars et « maquis » (petits restaurants) qui déversaient en plein air leur tonnerre « zouglou » et « coupé décalé » – les grands styles musicaux ivoiriens des dernières années – ont été détruits vendredi par des bulldozers.
Menée par le gouvernement du président Alassane Ouattara, l’opération « pays propre » a commencé il y a quelques semaines par Abidjan.
Dans une capitale économique plus sale et dégradée que jamais au sortir de la crise post-électorale du début 2011, il s’agit de faire la chasse aux installations anarchiques qui ont fleuri au fil des ans, moyennant passe-droits et violation des règles d’urbanisme.
Il n’empêche: après une vingtaine d’années d’existence, le blues a gagné « la rue », comme on dit à Abidjan pour désigner un site aussi fameux pour son rythme d’enfer que détesté pour la prostitution.
« Nous avons été informés le jeudi à 22 heures et le lendemain à 8 heures les machines étaient déployées pour l’opération de démolition », déplore Ibovic Ouattara, manager du « Cyclone ».
Aucun espoir de recours pour Martin Kouamé, dit « Matino », manager du très branché « Jackpot »: « je préfère alors pleurer ». Il fera partie du millier d’ »employés de la rue » désormais au chômage, dit-il.
Pour lui, « plutôt que de démolir », les autorités devraient « promouvoir ce patrimoine culturel ». La rue Princesse était un pôle touristique, comme « Pigalle en France », renchérit un habitant.
Elle comptait parmi ses habitués la superstar ivoirienne du foot Didier Drogba. En 20O8, Laurent Gbagbo lui-même, alors président, y avait emmené son « camarade » socialiste français Jack Lang.
Mais certains s’étaient étranglés à l’époque, car la rue Princesse, qui a inspiré le film du même nom du réalisateur franco-ivoirien Henri Duparc (mort en 2006), avait aussi ses détracteurs.
« Je suis d’accord pour la destruction, la dépravation des moeurs avait atteint un niveau jamais égalé », lance Mamy Ezan, une mère de famille, qui réclame « une cité propre ».
Prostitution, déchets en pleine rue, vacarme perpétuel: il y a eu « énormément de plaintes de riverains », explique à l’AFP la ministre de la Salubrité urbaine, Anne Ouloto, préférant un « plan d’aménagement » avec des « maquis » et des bars aux normes.
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