Dans le nord du Kenya, on abat les bêtes avant que la sécheresse les tue
Des chèvres et moutons fraîchement abattus sont suspendus à un arbre, comme si les habitants de ce petit village du nord du Kenya se préparaient à célébrer un grand événement. Mais aucune fête n’est prévue à Funanqumbi.
Plutôt que de laisser son bétail mourir de faim, la population de cette région durement frappée par la sécheresse préfère le tuer.
« Nous ne sommes pas heureux d’avoir à tuer nos animaux », glisse Elema Warrio, l’oeil rivé sur les 25 carcasses qui pendent aux arbres. « Nous serions contents s’il y avait de quoi paître et boire pour eux, mais puisque nous n’avons pas le choix, nous ne pouvons que les tuer ».
Depuis une semaine déjà, le village abat ses bêtes.
Une sécheresse dévastatrice frappe quelque 12 millions de personnes dans la Corne de l’Afrique, la pire depuis 60 ans selon les Nations unies. En Somalie voisine du Kenya, deux régions du sud ont même été déclarées en état de famine.
« C’est la pire sécheresse que nous ayons jamais eue, » assure Galgalo Wato. « Nous avons perdu l’espoir de voir la pluie », poursuit ce père de sept enfants en montrant la vaste et poussiéreuse brousse qui entoure le village de 700 habitants.
Ici, la nature est trop sèche pour cultiver quoi que ce soit. La population vit entièrement de son bétail.
« Au cours des précédentes sécheresses, nous perdions 20 ou 30 bêtes, mais ensuite les pluies arrivaient et les veaux naissaient, » poursuit Galgalo Wato. « Jamais ça n’a été si long. «
Il avait 120 vaches, 80 chèvres et sept ânes qui servaient à porter l’eau. Il ne lui reste plus que trois veaux. « Ils sont tout ce qui me reste d’espoir, » confie-t-il tristement.
Sa famille survit désormais grâce à l’aide mensuelle que fournit le Programme alimentaire mondial (PAM). L’agence onusienne distribue des céréales, de l’huile, des haricots notamment.
« Ca ne suffit pas du tout, » déplore-t-il. « Ca n’est vraiment que de la survie. «
Mais Galgalo Wato a peu d’alternatives. Tellement de gens essaient actuellement de vendre leur bétail que le marché local s’est effondré. Dans le district de Sololo, les prix ont chuté de deux-tiers. Même à des prix bradés, certains éleveurs n’arrivent toujours pas à vendre leurs bêtes.
Les agences humanitaires soutiennent donc désormais l’abattage des animaux, et achètent les bêtes à des prix plus proches de ceux d’avant la crise. Elles distribuent ensuite la viande à ceux qui en ont le plus besoin dans la communauté.
« Les animaux vont probablement mourir bientôt à cause de la sécheresse de toute façon, » remarque Abrahim Adan. Il tient une agence d’aide locale qui organise depuis cinq mois dans la région le programme d’abattage, financé par l’Union européenne.
« Déstocker présente deux avantages: on injecte de l’argent dans l’économie, ce qui permet aux gens d’acheter des produits sur les marchés, et on assure de la nourriture aux foyers les plus vulnérables, » commente-t-il.
Cinquante familles reçoivent chacune un demi-mouton ou une demi-chèvre. Une bonne partie sera séchée au soleil, pour être stockée et mangée sur plusieurs jours.
Sans l’aide extérieure, qui approvisionne aussi désormais le village en eau, la communauté s’effondrerait.
De vastes réservoirs en plastique ont été installés pour récolter les eaux de pluie. Quand elles arriveront.
Mais les prochaines précipitations ne sont pas attendues avant trois ou quatre mois. Et pour encore après, la population n’est pas très optimiste non plus.
« Les choses ne vont pas bien ici, » souligne Elema Warrio. « Si les prochaines pluies ne viennent pas, qu’allons nous faire? »
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