Somalie: camps de misère à Mogadiscio pour les rescapés de la sécheresse
Des milliers de Somaliens viennent s’entasser dans des camps de misère dans la capitale Mogadiscio, fuyant une terrible sécheresse dans le sud du pays qui leur a pris leurs biens, leur bétail, et souvent aussi des proches.
« Je suis si triste de voir mon enfant avoir faim et d’être incapable de le nourrir », confie à l’AFP Kafia Ali, qui raconte « avoir fui le sud de (la province de) Gedo (sud de la Somalie) pour sauver ses deux enfants de la sécheresse qui tue ».
« Mais la vie dans un camp de déplacés n’est pas mieux que ce que nous avions chez nous, à Bullo Hawo », constate-t-elle avec amertume.
Kafia a trouvé refuge dans le camp de Korane, dans le quartier de Medina, au sud-ouest de Mogadiscio, une succession d’abris de fortune, avec des sacs plastique souvent comme seul toit, qui héberge aujourd’hui 3. 700 familles selon Hussein Botan Hassan, un responsable local.
Par une cruelle ironie, une pluie inhabituelle en cette saison achevait jeudi de rendre plus misérables les conditions de ces déplacés.
« Quand vous avez faim, le froid peut tuer. Les gens ont faim et sont totalement démunis », témoigne une dame âgée, également déplacée, Batula Moalim Ahmed.
« Ma femme était quelqu’un de formidable, qui s’occupait très bien de nos trois enfants. Mais quand elle est tombée malade et qu’elle avait faim, personne n’a pu l’aider car la famille n’avait pas de nourriture à lui offrir », raconte Mohamed Aden, un autre déplacé.
Quand son épouse est décédée, « nous avons quitté Diinsor (région de Bay, sud de la Somalie) avant de mourir à notre tour », ajoute-t-il en pleurant.
« Avant, je possédais des vaches, des chèvres et quelques chameaux, mais aujourd’hui je suis un mendiant, veuf, dans un camp de déplacés. Dieu l’a voulu ainsi », poursuit cet homme de 62 ans.
Beaucoup des déplacés de Mogadiscio ont ainsi perdu leurs récoltes, puis leur cheptel, dans le sud du pays contrôlé majoritairement par les islamistes shebab, et frappé par une des pires sécheresses de ces dernières décennies.
« L’absence de toilettes empoisonne notre vie. Nous ne pouvons pas jeter les excrèments comme ça, cela serait insalubre. Nous sommes peut-être pauvres, mais nous sommes des êtres humains qui méritons le respect », s’indigne Abduilkadir Mohamed.
La rougeole a fait son apparition et « a emporté la vie d’un garçon hier », selon un employé humanitaire.
Une mère de famille venant de l’hôpital Aden Adde montre un demi kilo de viande de chèvre: « regardez ce que nous a donné l’hôpital. Mes enfants auront de la viande ce soir, et je vais également la partager » avec d’autres déplacés. Des habitants de Mogadiscio, à la situation pourtant très précaire, tentent également de venir en aide à ces plus misérables qu’eux.
Déjà confronté à l’insurrection des islamistes shebab, le fragile gouvernement de transition somalien a créé un comité national chargé de faire face aux conséquences de la sécheresse, mais il reconnait que ses moyens sont limités face à l’ampleur de la crise.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) indique nourrir 300. 000 personnes à Mogadiscio en moyenne mensuelle, dont 85. 000 repas chauds fournis quotidiennement aux plus défavorisés.
La plupart des déplacés de Mogadiscio viennent des régions de Bay, Bakol et Lower Shabelle. 54. 000 autres habitants du sud du pays ont traversé la frontière pour le seul mois de juin pour échouer dans des camps surpeuplés, au Kenya ou en Ethiopie.
Près de trois millions de personnes, soit un Somalien sur trois, a besoin d’aide humanitaire selon les Nations Unies. Le niveau de malnutrition sévère des enfants a presque doublé depuis mars en Somalie, devenant le plus élevé au monde, selon le Comité international de la Croix rouge.
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