Les diamants du Zimbabwe mettent le processus de Kimberley à l’épreuve
L’autorisation donnée au Zimbabwe de vendre des diamants extraits de mines où l’armée est accusée d’exactions menace tout le Processus de Kimberley fondé pour moraliser le commerce des gemmes, estiment des experts.
Le Processus de Kimberley rassemble gouvernements, industrie diamantifère et militants pour éviter que les pierres précieuses ne financent guerres et guérillas. Il avait été lancé en 2003 pour prévenir des ventes qui finançaient les guerres au Liberia et en Sierra Leone, jusqu’au début des années 2000.
Ce régulateur mondial a toujours pris ses décisions par consensus mais lors de sa dernière réunion à Kinshasa le 23 juin, des groupes de défense des droits de l’homme ont claqué la porte après que son président, Mathieu Yamba, de la République démocratique du Congo, eut autorisé deux entreprises zimbabwéennes à vendre des diamants extraits des mines de Marange, dans l’est du Zimbabwe.
« Cela affaiblit le Processus », dit Tony Hawkins, un économiste de l’Université du Zimbabwe. « Le Processus de Kimberley sera de moins en moins considéré. A plus long terme, il pourrait dépérir et mourir. «
Les mines de Marange, considérées comme les plus riches découvertes en Afrique depuis des décennies, ont été envahies par l’armée zimbabwéenne en 2008. Les soldats ont alors violemment expulsé les milliers de prospecteurs qui occupaient les lieux, avant de forcer des civils à faire le travail.
Quelque 200 personnes y ont été tuées, certaines par des hélicoptères de combat, et d’autres battues ou violées, selon Human Rights Watch.
Les enquêteurs du Processus de Kimberley ont décrit « des actes de violence horribles et inacceptables commis par les autorités contre les civils », si bien que l’exportation des diamants a été interdite en juin 2009.
Depuis lors, deux sociétés ont poursuivi l’extraction, si bien qu’Harare se retrouve avec un stock de diamants dont la valeur atteindrait 5 milliards de dollars.
Par comparaison, le produit intérieur brut du Zimbabwe était de 7,5 milliards de dollars l’année dernière, selon le Fonds monétaire international.
Les pays africains, la Chine et l’Inde ont appuyé la décision de Kinshasa, qui a été contestée par les Occidentaux, les groupes de défense des droits de l’homme et même l’industrie –qui, soucieuse d’éviter la mauvaise publicité que lui font ces « diamants du sang », a appelé ses membres à ne pas y toucher et à chercher un compromis.
« En claquant la porte (. . . ), certains membres n’ont manifestement pas pris conscience de l’énorme impact négatif et, je le crains, désastreux que leur conduite aura sur tout le processus de distribution des diamants », a déclaré Avi Paz, président de la Fédération mondiale des bourses de diamants.
« Il est minuit moins cinq. Tout le négoce international des diamants est menacé de catastrophe! », dit-il.
Pour les Etats-Unis, le dossier n’est pas clos.
« Nous croyons que la recherche d’une solution doit continuer, et qu’il ne doit pas y avoir d’exportations de Marange jusqu’à ce qu’un consensus soit trouvé », a déclaré le département d’Etat.
En attendant, les groupes de défense des droits de l’homme ont appelé à un boycott des diamants de Marange.
« Les gouvernements et les entreprises devraient ignorer la décision (de Mathieu Yamba), à moins de vouloir mettre sur le marché des diamants du sang et ruiner ainsi la crédibilité du Processus de Kimberley », affirme Human Rights Watch.
Au Zimbabwe où le président Robert Mugabe et son principal adversaire Morgan Tsvangirai sont alliés dans un fragile gouvernement d’union nationale, le camp du président est soupçonné de tout faire pour écouler les fameux diamants car il contrôle le ministère des Mines.
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