Onu: Navi Pillay, de l’apartheid au printemps arabe
Navi Pillay, la haut-commissaire des droits de l’homme de l’ONU, se souvient du temps où seuls des hommes blancs pouvaient être juges en Afrique du Sud, son pays natal.
Aujourd’hui, celle qui se décrit comme « la voix des victimes dans le monde » est louée par des diplomates et des responsables humanitaires pour sa condamnation sans langue de bois de la répression dans le monde arabe, notamment en Libye et en Syrie.
« Je pense qu’il est très, très important d’avoir des expériences dans la vie qui vous donnent une meilleure compréhension de la souffrance, et l’apartheid nous a donné cela, savoir ce qu’est être traité comme un citoyen de seconde classe, être déshumanisé, torturé, emprisonné, n’avoir accès à aucune opportunité et être pauvre » confie-t-elle dans un entretien à l’AFP.
Pour Navi Pillay, née en 1941 à Durban dans une modeste famille indienne dont le père était chauffeur de bus, ces expériences indélébiles nourrissent sa mission de chef des droits de l’homme de l’ONU.
Diplômée de Harvard, juge au Tribunal pénal international pour le Rwanda et à la Cour pénale internationale de La Haye, elle figure parmi les 100 femmes les plus influentes de la planète selon un classement du magazine Forbes.
Au fil des crises du printemps arabe, « j’ai été simplement fidèle à mon mandat », dit Navi Pillay: « j’ai immédiatement vu que nous devions encourager et soutenir les gens qui manifestaient dans les rues en Tunisie, en Egypte, en Libye, réclamant des libertés fondamentales qui sont argent comptant dans d’autres pays ».
« J’ai pensé que tous les pays devaient soutenir cet appel, car nous y avons souscrit dans nos conventions internationales » relève cette juriste, première avocate sud-africaine de couleur, première femme juge de la Cour Suprême d’Afrique du Sud.
De son grand bureau clair du Palais Wilson donnant sur le lac Léman où siège le Haut-commissariat aux droits de l’homme qui emploie plus de 1. 000 personnes à travers le monde, elle planifie ses missions sur le terrain.
Elle s’apprête ainsi à partir au Mexique, après s’être rendue ces derniers mois dans le Golfe, en Australie, au Sénégal, en Guinée, en Mauritanie, en Israël et en Russie.
« Je suis surprise du nombre d’invitations que je reçois, s’étonne-t-elle et j’y attache une grande importance, cela démontre une ouverture, une volonté d’essayer d’améliorer la situation ».
« Il y a des degrés de gravité, dit-elle, mais je répond à tous les pays, je vais là où on m’invite ». « Pour certains pays cela prend beaucoup de temps: par exemple cela fait deux ans que j’attends un visa pour le Zimbabwe ».
« Aucun pays au monde n’est parfait en matière de droits de l’homme » relève la haut-commissaire qui a épinglé aussi bien la France sur les Roms, que dénoncé les violences en Côte d’Ivoire.
Mais « maintenant, nous avons un organisme intergouvernemental, le Conseil des droits de l’homme, qui donne un espace aux victimes, aux défenseurs des droits de l’Homme, aux ONG et aux institutions nationales » dit-elle.
Souvent critiqué pour sa lenteur et son manque de réactivité, le Conseil « n’est pas encore parfait pour chercher à remédier à l’injustice, mais nous n’avons jamais eu ces mécanismes auparavant », reconnaît Mme Pillay.
Elle regrette que « la faiblesse du Conseil réside dans le fait que les pays réagissent selon leurs objectifs nationaux et politiques » plutôt « qu’à partir de leur « engagement envers les droits de l’homme ».
Toutefois, dit-elle, c’est une institution « très jeune et prometteuse si l’on regarde le bilan » de la dernière session.
Mais c’est à l’Afrique du Sud qu’elle revient encore pour illustrer son optimisme.
« Ce qui est remarquable dans mon expérience, c’est que nous avons vu la fin de l’apartheid et cela nous permets d’être positif, de savoir que le changement est possible », évoquant son père âgé de 90 ans faisant la longue queue pour voter pour la première fois de sa vie.
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