Casamance, un conflit « oublié » qui mine le Sénégal depuis 30 ans
Le conflit « oublié » de Casamance, apparu en 1982, peine à trouver une solution après avoir ruiné l’économie de cette région du sud du Sénégal et fait des milliers de morts, malgré plusieurs accords de paix entre Dakar et la rébellion, signés et aussitôt caducs.
« Tout le monde est fatigué de ce conflit. Il y a un manque de volonté politique pour le résoudre. Certains, qui sont impliqués dans les négociations, s’en servent pour faire fortune ou comme tremplin politique », affirme un médiateur entre le gouvernement sénégalais et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC, rébellion indépendantiste).
La Casamance, séparée du nord du Sénégal par la Gambie, a connu ces derniers mois une recrudescence des violences, avec des affrontements entre l’armée et les rebelles.
Le conflit a fait des milliers de victimes civiles et militaires depuis 1982, mais aucun bilan précis n’est disponible. « Nous avons perdu plus d’une dizaine d’hommes depuis décembre », reconnaît une source militaire à Ziguinchor.
Tout commence le 26 décembre 1982 dans cette ville, la principale de Casamance, par une répression d’une manifestation du MFDC qui fait des morts.
Quelques jours plus tard, des éléments du MFDC créent « Atika », la branche armée du mouvement rebelle.
Le MFDC dénonce la « confiscation des terres des autochtones au profit de populations du nord du Sénégal et d’hôteliers, les brimades de l’administration sénégalaise et le mépris culturel » contre les Casamançais.
« On est aujourd’hui dans une situation de ni guerre, ni paix, malgré la volonté de paix affichée par les parties belligérantes », affirme Ibrahima Kâ, un responsable d’ONG à Ziguinchor.
« C’est l’accalmie depuis deux mois. L’armée a renforcé sa présence » près de la frontière gambienne où la plupart des attaques ont eu lieu depuis décembre, note un responsable militaire à Ziguinchor.
Dakar a rompu en février ses relations diplomatiques avec l’Iran qu’il a accusé d’avoir livré des armes aux rebelles indépendantistes.
Le gouvernement sénégalais et le MFDC disent aujourd’hui être disposés à des négociations de paix. Les dernières se sont tenues à Foundiougne (centre du Sénégal) en février 2005, après des accords de paix signés notamment en 1991 à Cacheu (Guinée-Bissau) et à Ziguinchor en décembre 2004.
Des assises internes pour réunifier une rébellion divisée en plusieurs factions civiles et militaires ont été plusieurs fois annoncées et repoussées.
Les divisions du mouvement qui se sont amplifiées depuis la mort en décembre 2007 de son leader historique, l’abbé Diamacoune Senghor, rendent d’autant plus difficiles ces négociations, selon les observateurs.
« Le marasme économique est général. La crise a découragé beaucoup d’investisseurs », affirme Pascal Ehemba, président de la chambre de commerce de Ziguinchor. « Le taux de remplissage des hôtels dans la région de Ziguinchor est de 15 à 20% », selon M. Ehemba.
Le tourisme, une des principales activités, souffre aussi de l’enclavement de la région qui s’est accentué depuis l’arrêt en avril 2009 d’Air Sénégal International (ASI), qui était une propriété de l’Etat du Sénégal et de la Royal Air Maroc (RAM).
Les mines antipersonnel, qui ont officiellement fait 776 victimes depuis le début du conflit, empêchent les agriculteurs d’aller dans les rizières et vergers de cette région dotée de fortes potentialités productives.
Des milliers de personnes fuyant la guerre se sont réfugiées en Guinée-Bissau et en Gambie. Des milliers d’autres se sont déplacées.
« En 30 ans, on a fait du surplace. L’armée n’a pas été vaincue et n’a pas vaincu le MFDC », résume Oumar Diatta, auteur d’un livre sur le conflit casamançais.
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