Tahar Ben Jelloun : le printemps arabe, un « mur de Berlin qui tombe »

Le printemps arabe, c’est « un immense mur de Berlin qui tombe », estime dans un entretien à l’AFP l’écrivain franco-marocain Tahar Ben Jelloun qui rend un superbe hommage au jeune martyr tunisien Mohamed Bouazizi dans « Par le feu » et analyse ces révolutions en marche dans un essai à chaud.

Tahar Ben Jelloun : le printemps arabe, un « mur de Berlin qui tombe » © AFP

Tahar Ben Jelloun : le printemps arabe, un « mur de Berlin qui tombe » © AFP

Publié le 24 mai 2011 Lecture : 2 minutes.

Ces deux livres de l’un des auteurs les plus attentifs à ces sujets en France paraîtront le 6 juin chez Gallimard. L’essai, intitulé « L’étincelle. Révolte dans les pays arabes », sera publié simultanément en France, en Italie et en Allemagne.

« Ces ouvrages ont été écrits à chaud, face à ce mouvement historique, cet immense mur de Berlin qui tombe et a eu un effet libérateur un peu partout dans le monde. Dans les autres pays arabes bien sûr, mais on le voit aussi aujourd’hui en Espagne », dit-il lors d’un entretien téléphonique.

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« Le printemps arabe a libéré les volontés. Si les Arabes ont fait ça, on peut le faire. . . J’ai même entendu un Espagnol dire : +pour la première fois, les Arabes nous ont étonnés !+ »remarque l’écrivain, journaliste et poète, né en 1944 à Fès.

Les pays européens doivent s’attendre « à ce que leur jeunesse délaissée (. . . ) trouve dans le vent de liberté arabe un appel à se soulever. Mépris et racisme finissent toujours par être contre-productifs », écrit-il.

Dans « Par le feu », une fiction d’une cinquantaine de pages, réaliste et poétique, Tahar Ben Jelloun reconstitue les jours qui ont précédé le sacrifice de Mohamed Bouazizi, ce jeune homme qui s’est immolé le 17 décembre 2010 et fut le déclencheur de la Révolution du Jasmin en Tunisie.

« Ce récit-là est une oeuvre littéraire. La littérature peut avoir un impact très important. Les gens peuvent s’identifier, ils sont touchés par cette histoire humaine et par les mots », relève l’auteur. « Les suicides des gens stressés par leur travail en France, cela passe aussi par la même désespérance », estime l’auteur de plus d’une quarantaine de romans et recueils de nouvelles.

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Chaque pays arabe est singulier, souligne-t-il dans son essai de 120 pages qui examine au cas par cas la situation de chacun de ceux touchés par la contestation et se met « dans la tête » de Moubarak ou Ben Ali.

« Si personne ne pouvait prévoir ces événements, on pouvait en voir bien des signes avant-coureurs dans le monde arabe. Ce printemps signe aussi la défaite de l’islamisme », affirme-t-il. « Et la nouvelle génération a ceci de particulier: elle n’a pas peur ! »

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« Le printemps arabe a déclenché un immense espoir et une grande impatience. En Tunisie et en Egypte, il y a des difficultés, tout ne peut pas se régler du jour au lendemain. Il y a encore beaucoup à faire pour instaurer la démocratie. Déjà, il faut ramener l’argent détourné par Ben Ali ou Moubarak », ajoute-t-il.

« En Libye, c’est un scénario bloqué, cela ne s’arrêtera qu’avec la mort d’un individu ou sa fuite. . . L’intervention (occidentale) était nécessaire mais elle est arrivée un peu tard », note l’écrivain.

« En Syrie, c’est encore différent, c’est un système du type ancienne Europe de l’Est, les militaires ne bougeront pas. Jusqu’au jour où un officier supérieur dira +basta+. L’Europe n’interviendra pas, le contexte de la région est trop compliqué. En attendant, c’est le peuple syrien qui paye », souligne Tahar ben Jelloun, membre de l’Académie Goncourt.

« Ce que je demande à l’Europe, c’est d’être plus attentive au Sud économiquement et politiquement. C’est la meilleure façon de limiter l’immigration clandestine, mieux que la répression ».

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