L’Afrique du Sud, tremplin des laboratoires indiens pour l’Afrique
Les grands groupes pharmaceutiques indiens se sont taillé la part du lion sur le marché des médicaments en Afrique, grâce à leur forte implantation en Afrique du Sud et à leurs antirétroviraux (ARV) à prix réduits qui ont contribué à freiner les ravages du sida.
Ils seront notamment un des sujets des débats du 2e sommet Inde-Afrique, qui se tient mardi et mercredi à Addis-Abeba et traitera de la coopération en matière de pharmacie, mais aussi d’ingénierie, de produits chimiques, d’équipements agricoles ou de défense.
Les groupes pharmaceutiques indiens « se sont positionnés de manière très stratégique en Afrique du Sud et utilisent le pays comme tremplin pour l’Afrique », souligne Abdullah Verachia, qui suit l’ascension des sociétés indiennes pour la société de conseil Frontier Advisory.
Les trois grands laboratoires indiens, Ranbaxy, Cipla et Dr Reddy’s, ont choisi de nommer des locaux à la tête de leurs filiales sud-africaines, une exception parmi les multinationales présentes en Afrique du Sud.
« Cela démontre leur compréhension du marché et la qualité de leur engagement », ajoute M. Verachia. Depuis la chute de l’apartheid en 1994, le pays se débat contre un chômage de masse, développant notamment un arsenal législatif sévère envers les étrangers.
Cette politique des groupes indiens ne peut qu’asseoir leur crédibilité vis-à-vis de l’actuelle classe dirigeante sud-africaine.
Cipla, 2e du secteur pharmaceutique en Inde, est en outre coté en bourse à Johannesburg, contribuant ainsi aux flux financiers vers l’Afrique du Sud.
La plus puissante économie d’Afrique est également le pays le plus affecté au monde par le sida et donc un marché de choix pour le lancement des ARV génériques, qui ont ouvert l’accès aux soins à des millions de malades dans les pays pauvres.
En 2001, lorsque Cipla annonce qu’il va fournir en Afrique des ARV génériques sans le surcoût imposé par les laboratoires qui avaient l’exclusivité des molécules, il a fait chuter le coût annuel moyen d’un patient à moins de 400 dollars contre plus de 10. 000. « Les sociétés pharmaceutiques indiennes ont joué un rôle clé dans la baisse des coûts des traitements », remarque Francois Venter, de l’association sud-africaine des médecins contre le sida.
L’Afrique sub-saharienne dans son ensemble abrite quelque 22,5 millions de porteurs du virus, soit 68% des infections mondiales. Et la région est également l’une des plus pauvres.
Grâce aux ARV des groupes indiens, la proportion de malades sous traitement est passée de 2% en 2003 à 37% en 2009.
Les génériques, qui offrent les mêmes principes actifs que les médicaments de marques, ont été le moteur du décollage de l’industrie pharmaceutique indienne, note M. Verachia.
Pratiquement inexistant il y a trente ans, ce secteur est aujourd’hui le deuxième au monde en volume. L’Afrique est un marché majeur pour les laboratoires indiens, qui y ont vendu 14% de leur exportations en 2009.
L’Afrique du Sud, où 5,6 des quelque 48 millions d’habitants sont séropositifs, a accordé un marché de 526 millions de dollars en 2008 pour les ARV distribués par les hôpitaux publics au laboratoire local Aspen Pharmacare, avec les filiales sud-africaines de Ranbaxy et Cipla.
La présence des Indiens à la pointe australe de l’Afrique ne fait que croître. Ranbaxy a inauguré l’année dernière sa deuxième usine dans le pays, près de Johannesburg. Et Cipla va moderniser son site de Durban (est).
Selon M. Verachia, le succès de ces industriels repose également sur la priorité donnée par le gouvernement sud-africain à la coopération sud-sud.
« Nous entretenons un lien diplomatique et politique très étroit, en oeuvrant ensemble pour les intérêts du sud », note-t-il.
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